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mardi 28 mars 2023
DomicileCultureFCE (Fianarantsoa Côte Est) : Une histoire tumultueuse 

FCE (Fianarantsoa Côte Est) : Une histoire tumultueuse 

Le train n’avance pas!

À l’exemple des lignes ferroviaires malgachesTCE, T.A, M.L.A), la construction du FCE, reliant la capitale du Betsileo au port de Manakara, date de la période coloniale entre 1926-1936. Un monument, c’est un patrimoine ! 

Selon l’historien Steve Razafindrainibe, «Dans la perspective de consolider le pacte colonial et par la même occasion, pour marquer de manière indélébile la présence française à Madagascar et surtout sous l’impulsion des colons français dans le pays Betsileo, un projet de ligne ferroviaire électrique reliant Fianarantsoa à la côte Est malgache est soumis à Paris en 1923 au même moment ou les deux lignes M.L.A et T.A étaient entièrement achevées. Dans cette période faste de la colonie, le projet est aussitôt validé par le Parlement français et intégré dans le vaste programme de mise en valeur des colonies françaises du ministre Albert Sarraut en 1924. La construction de la ligne est adjugée à un consortium franco-belge avec un coût estimé à 125 millions de francs pour une longueur de 163 km. Pour sa réalisation, l’administration coloniale pouvait compter sur la main-d’œuvre malgache notamment avec le fameux décret du 3 juin 1926 instaurant le Service de la Main-d’Oeuvre pour les Travaux d’Intérêt Général. » Ainsi, les travaux débutent en 1926. Mais dès leur commencement, l’entreprise bute largement sur des difficultés liées à la caractéristique très accidentée du terrain qui est d’ailleurs aggravé par une condition météorologique capricieuse à chaque saison cyclonique, mais surtout des difficultés liées au manque de préparation préalable de la part de ses constructeurs. Faute d’ingénieur qualifié, on a confié la direction de l’étude et la réalisation du tracé au militaire à l’instar du capitaine du génie Forgeon, directeur de l’étude du tracé. Il en est de même pour l’encadrement des travailleurs malgaches qui est confié à des sous-officiers et colons pauvres et surtout des petit chefs qui ne brillent que par leur incompétence. De ce fait, les accidents et les erreurs techniques ne sont pas rares sur les chantiers. Finalement, la construction des 163 km de voie métrique et des 18 gares et 48 tunnels reliant Fianarantsoa au port de Manakara a duré 10 ans avec un coût total de 360 millions de francs. On est loin des 125 millions de francs et du projet de la voie électrique projetés en 1923. D’ailleurs, à cause de ces erreurs, le FCE figure parmi l’une des lignes de chemin de fer à voie métrique les plus tourmentées au monde avec des rampes maxima allant jusqu’à 3,6%. Une situation qui affecte durement l’exploitation de la ligne puisque l’apport du chemin de fer FCE sur l’économie de la colonie de Madagascar, tout comme celui du TCE, La MLA, le T.A, restait des moindres. Toutefois, malgré ces coûts financiers et humains exorbitants lors de sa construction, la FCE a permis de désenclaver des localités qui n’étaient jusque-là accessibles qu’à partir du transport à dos d’homme. C’est pourquoi, depuis sa construction, en passant par l’époque de la régie de Robert Malacam durant les années 1950, jusqu’à la RNCFM 1970-2022, le chemin de fer FCE, malgré ses handicaps et ses défauts, continue et doit continuer d’être utilisé et maintenu opérationnel. Une œuvre sociale entre autres… 

… Dans l’agonie

Le chemin de fer Fianarantsoa Côte Est est à l’agonie. Depuis 2017, la ligne de chemin de fer FCE reliant la capitale du Betsileo à Manakara a été touchée par une crise profonde qui a pris de jour en jour une tournure semblable à la faillite de la société d’État RNCFM en 1990. 

Problèmes de personnels et de matériels 

Depuis le mois de mai 2022, les cheminots ont fait appel au président de la République pour réclamer leur 8 mois d’arriérés de salaires. Un appel qui semble être ignoré par l’État puisque le 8 juillet 2022, les cheminots se sont mis en grève générale. Au même moment, le trafic de voyageurs et de marchandises sur la ligne a été interrompu et affecté par la grève mais pas seulement, puisque la locomotive BB256, seule locomotive encore opérationnelle sur la ligne, a enregistré des pannes et des déraillements de mauvaise augure. L’Etat semblait dépassé par les évènements. En 2020, conformément à la promesse électorale de 2018 du président Andry Rajoelina, l’Etat malgache a fait une commande de quelques locomotives d’occasion auprès de El Ferrocarril de la Robra, une société ferroviaire espagnole. Mais les problèmes ne se sont pas réglés puisqu’il apparaît que les 4 locomotives nouvellement importées ne sont pas compatibles aux wagons utilisés sur le FCE.

Au niveau du système de freinage.

Un couac inhabituel quand on sait que l’Etat malgache a envoyé des techniciens malgaches pour vérifier ces locomotives avant l’achat et l’envoi de ces dernières à Madagascar. En effet, bon nombre de lanceurs d’alerte avancent que l’Etat a voulu acheter des locomotives Ad16 de fabrication Alsthom et compatibles à la FCE mais au dernier moment, on a fait le choix de ces 4 locos. Le résultat est qu’aucune de ces 4 locomotives n’est opérationnelle. En guise d’une énième promesse, le président Andry Rajoelina a rapporté que le problème de transport sur la FCE sera réglé au plus tard le 15 décembre, avec l’envoi d’une locomotive de la société Madarail S.A pour pallier le manque de matériels sur la FCE. Mais là encore, promesses et actions sont deux choses vraiment différentes puisque jusqu’à maintenant, la fameuse Ad 12 BB 224 n’est pas encore arrivée à la gare de Fianarantsoa. Finalement, le trafic sur la FCE s’est totalement arrêté depuis le mois de juillet. La population desservie par l’axe est abandonnée à leur propre sort. Pour beaucoup, c’est le retour vers le futur, en l’occurrence avec la réapparition du transport par filanjana, le moyen de locomotion par excellence des dirigeants malgaches du XIXème siècle. 

Iss Heridiny 

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1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour.
    C’est toujours plaisant et instructif de lire Iss Heridiny , et avisé de sauvegarder ses articles .
    C’est sans doute lui l’auteur d’un autre article sur le même sujet [Chemins de fer : 100 ans d’histoire dès 1901] , dans MM, Nov 2020 .
    Oui, c’est réellement retour vers [passé] , sans la tradition , les bonnes moeurs , le Fihavanana .
    La SECREN , la RNCFM , même tragédie . C’est à se demander où passent les millions de devises étrangères, les milliards d’Ar .
    Revenant à l’histoire des locomotives espagnoles plutôt que françaises , on sent bien qu’il y a eu [magouille] , sinon l’expression [tetika sy kolikoly] n’est pas malagasy . Quoiqu’il en soit , le ferroviaire apparaît autrement plus adapté et durable au contexte de sur-sous-développement et environnemental de Madagascar …que le routier . Et l’autorourier parfaitement incongru sans un bon réseau routier secondaire .
    Merci à l’auteur et à MM .

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