
La presse a plusieurs fois relayé les manquements au cadre juridique défini par le code du travail, par des sociétés de sécurité poussant comme des champignons dans la capitale. Des grands groupes étrangers gagnant des milliards d’euros sous-traitent leur sécurité sans jamais se préoccuper de la réalité vécue par les agents qui sont traités comme des esclaves (salaire au-dessous du Smig, aucune protection sociale, etc). Le ministre de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales a décidé de briser le silence pour dénoncer les maux qui gangrènent le secteur. Des mesures sévères seront prises envers les patrons de ces sociétés, parfois de nationalité étrangère, frappe-t-il d’emblée. Interview.
Des agences informelles pointées du doigt par Maharante Jean de Dieu
Midi (M.M) : Esclavagisme. Le mot n’est-t-il pas trop fort ?
Maharante Jean de Dieu (M.J.D) : Que non ! Nos statistiques démontrent qu’environ 80% des sociétés de sécurité et de gardiennage ne respectent pas le droit du travail. Les premiers perdants sont bien évidemment les employés, ces agents de sécurité. Ils ne jouissent pas des avantages sociaux stipulés par le code du travail et leurs conditions de travail révèlent de l’animosité. Dans ce secteur, certains travailleurs ne sont pas déclarés et sont rémunérés bien au dessous du Smig. Ils ne jouissent pas des heures supplémentaires et travaillent de jour comme de nuit, même durant les jours fériés. Faute de contrat professionnel, des employeurs sans état d’âme les licencient comme bon leur semble. Pour ne pas tourner autour du pot, un assainissement s’impose pour faire face à cette forme d’esclavagisme. Cette mesure nous appartient en tant que ministère de tutelle et garant de l’application de la loi du travail. Nous verrons bien les résultats dans les prochains jours…
M.M : Les agents de sécurité ne se plaignent pas pourtant. Est-ce logique ?
M.J.D : J’ai été stupéfait en examinant des rapports sur le secteur. Les agents y sont traités comme des objets et leurs droits bafoués. Et pourtant, ils ont un travail très risqué puisqu’on parle de sécurité et de gardiennage, nous savons à quel point le secteur est dangereux actuellement. Le gouvernement via le ministère que je dirige est contre ce traitement illégal des travailleurs et je dis haut et fort que des contrôles stricts et sévères se tiendront prochainement pour faire face à cette exploitation sauvage de l’homme par l’homme. Il ne faut pas profiter de la pauvreté des autres pour les soumettre à des métiers indécents et contraires à la loi. Les gens, je parle des agents de sécurité, sont bien conscients qu’ils sont exploités. Mais ils n’osent pas en parler de peur d’être licenciés. Maintenant, je les invite à nous adresser leurs doléances (mêmes anonymes), qui constitueront par la suite de saisines pour le ministère. Une cellule se chargera de traiter ces plaintes. Que les agents de sécurité n’aient pas peur de prendre leurs responsabilités puisqu’il y va de l’amélioration de leur cadre de vie professionnelle.
M.M : Sur un tout autre plan, des noctambules ont remarqué que des agents de sécurité se substituent au rôle des forces de l’ordre. Quid de ces cas ?
M.J.D : Pire encore, il y en a qui sont munis d’armes de guerre dans l’exécution de leur travail de gardiennage. Oui, nous étions notifiés de cette situation. Nous avons même organisé une descente inopinée pour traquer le patron « vazaha » de l’agence concernée. Une probable fuite de renseignements lui a permis de prendre la poudre d’escampette. Notre ministère continue de se pencher sur ce dossier brûlant. Que le responsable se tienne prêt à assumer chaque acte puisqu’il y va de la souveraineté du pays. Madagascar n’est pas un terrain de jeu des hors-la-loi, surtout pour ces étrangers qui débarquent avec un visa touristique et qui deviennent patrons des sociétés de sécurité.
Propos recueillis par D.R