A mesure que les années passent, il semble que cette journée importante de notre histoire ressemble de plus en plus à un jour férié banal. Plus grave, il faudrait que ne subsiste que la mémoire collective chargée d’émotions sélectives selon les narrateurs et donnant des interprétations fantaisistes. Il n’empêche que même chez les historiens, l’unanimité n’est pas encore acquise sur tout. Il importe donc de rappeler aux générations futures certaines informations essentielles , tant qu’il est encore temps. D’abord, sur la durée, il convient de souligner que les événements ont lieu du 29 mars 1947 à novembre 1948 soit près de 21 mois, avec comme moment fort celui du 6 mai 1947, quand le commandant du camp de Moramanga a fait mitrailler plus d’une centaine de militants du MDRM emprisonnés dans des wagons. Elle ne s‘est pas bornée donc à la seule journée du 29 mars. Puis, qui en sont les véritables instigateurs ? Là, il est vrai que l’histoire officielle bégaie quand l’Administration coloniale attribue la responsabilité aux leaders du MDRM, ces derniers affirment à l’inverse que les forces d’occupation ayant eu vent de l’imminence d’une révolte ont « tiré les premiers ». Controverse inutile quand on sait qu’en 1947.« Les habitants de la côte est surtout ont souffert plus que les autres du travail forcé puis par les « travaux d’intérêt général ». C’est de cette région que va jaillir l’insurrection… C’est ainsi que le 29 mars, des centaines d’hommes armés de sagaies attaquent des petites villes côtières et des plantations. Ils s’en prennent aux Européens mais aussi aux Malgaches qui vivent et travaillent avec eux» selon l’’historien Jean Fremigacci. On serait plutôt tenté d’avancer que les dirigeants historiques ont « rétropédalé ». L’idée répandue, ensuite, que ce fût une confrontation entre les colons français et tous les Malgaches doit être revue. On occulte que pour beaucoup de Malgaches, en ces moments, l’on a affublé les insurgés de « rebelles» …à la pacification et que, pour eux, le mot de « patriote » était tabou. En somme la collaboration existait bel et bien. Quant au bilan, que retenir ? La polémique est encore vive sur le nombre de victimes entre 10 000 et 89 000 morts, ce second chiffre a été avancé par la métropole. Les forces coloniales ont perdu 1 900 hommes (essentiellement des supplétifs malgaches) 550 Européens, dont 350 militaires. L’importance des pertes tient à ce que les « rebelles » n’avaient que 250 fusils. Tandis que les forces coloniales disposaient des supplétifs malgaches, des troupes coloniales (tirailleurs sénégalais), et en juillet 1947, de l’arrivée de cinq bataillons nord-africains, on estime que ses effectifs sont de l’ordre de 30 000 en novembre 1948 soit à peu près le nombre actuel de militaires malgaches.
M.Ranarivao