
Le deuxième décaissement de la FEC (Facilité Elargie de Crédit) du fonds du FMI (Fonds monétaire international), pour appuyer l’exécution du Programme économique de Madagascar, sera aux alentours de 45 millions USD, soit environ 144 milliards d’Ariary. L’enjeu est de taille, car ce décaissement indiquera aux autres partenaires techniques et financiers que le Programme est toujours soutenable et que les financements extérieurs attribués à la Grande Ile, pour les divers projets et programmes, pourront être alloués de manière efficiente. Après la dernière mission du FMI en mars dernier, quelques questions restent toujours en suspens. Mais le calendrier est maintenu, si les autorités malgaches et les techniciens du FMI arrivent à conclure la première revue, selon le représentant résident de cette institution à Madagascar, Patrick Imam. Interview.
Midi Madagasikara (MM). La Mission du FMI a indiqué de bons résultats d’évaluation, mais exige des précisions sur certains points. Qu’en est-il du prochain décaissement qui semble prendre du retard ?
Patrick Imam. Si la réunion du Conseil d’Administration du Fonds se tient au mois de Juin tel que prévu dans le calendrier initial, et si ce dernier donne son approbation aux conclusions de la première revue de la facilité élargie de crédit (FEC) ainsi que des consultations au titre de l’Article IV, le décaissement de la seconde tranche, de plus ou moins 45 millions de dollars, aura lieu au mois de Juin. Toutefois, pour que cela se réalise, il faudrait que, d’ici jusqu’à la fin des réunions de printemps du FMI et de la Banque Mondiale, qui auront lieu fin-Avril à Washington, les autorités ainsi que l’équipe technique du Fonds parvient à un accord concernant les trois points, qui demeurent en suspens à la fin de la mission qui vient de finir, et qui ont empêché cette dernière de conclure la première revue de la FEC. Les trois points étant la JIRAMA, Air Madagascar et les impacts du cyclone Enawo qui a touché le pays au début du mois de Mars.
MM. Madagascar doit réviser ses dépenses pour 2017, suite à la sécheresse et au passage du cyclone. Quels pourraient être les impacts de ce changement, compte tenu des engagements déjà faits par le Gouvernement ?
Patrick Imam. Effectivement, les différentes catastrophes naturelles qui ont successivement touché Madagascar depuis la fin de l’année dernière vont affecter l’exécution budgétaire de cette année, dans le sens où l’Etat aura à prendre en charge les impacts de ces aléas. Ces impacts se traduisent notamment en des transferts additionnels à la compagnie JIRAMA, dû à la sécheresse et le besoin d’utiliser plus de diesel que prévu pour faire face au manque d’hydroélectricité, et des dépenses supplémentaires à la fois humanitaires, pour la prise en charge des personnes affectées par le cyclone, mais également de reconstruction suite aux énormes dommages causés sur les infrastructures.
Une fois l’évaluation des besoins réalisée, il s’agit pour l’Etat de trouver les moyens de financements correspondants. Les moyens en question pourraient être une augmentation des recettes, ou un réaménagement des dépenses au profit des lignes dans le besoin et au détriment d’autres lignes de dépenses ou encore il peut s’agir d’emprunts ou bien une combinaison de tous. La magnitude de chaque mesure dépend à la fois des besoins, des possibilités mais aussi des priorités de l’Etat ainsi que des impératifs de maintien de l’équilibre macroéconomique. Dans le cas de la JIRAMA, par exemple, le ministre des Finances a déjà annoncé une combinaison d’augmentation de recettes et de réaménagement de dépenses avec pour priorité de ne pas toucher aux dépenses sociales pour que les engagements vis-à-vis du programme soutenu par la FEC ne soient pas remis en cause.
MM. Sous quelles conditions le Conseil d’Administration du FMI pourrait étudier le rapport d’évaluation de Madagascar ?
Patrick Imam. Pour que le Conseil du Fonds procède à l’examen des conclusions de la première revue et des consultations au titre de l’article IV, il faudrait que les autorités puissent apporter à l’équipe technique qu’ils vont rencontrer, dans les semaines à venir, l’assurance de financement requis pour financer (i) les transferts additionnels dont la JIRAMA a besoin pour faire face aux effets de la sècheresse ; (ii) le financement dont la compagnie Air Madagascar a besoin pour régler les dettes contractées dans le passé et permettre ainsi au partenariat stratégique avec la compagnie Air Austral de se concrétiser ; et (iii) les dépenses additionnelles occasionnées par le cyclone Enawo. Il est important de régler toutes ces questions de financement car les règles du FMI font qu’on ne peut décaisser si le budget n’est pas financé sur les douze mois à venir.
MM. Le FMI pourrait-il intervenir sur les dépenses supplémentaires engendrées par les catastrophes naturelles ? Sinon, pourquoi demander des précisions sur ces volets ?
Patrick Imam. Les informations sur les dépenses additionnelles générées par les catastrophes naturelles sont importantes dans la mesure où leur magnitude ainsi que leurs moyens de financement respectifs peuvent avoir des répercussions négatives sur le plan macroéconomique, que ce soit sur le budget ou la balance des paiements, et doivent donc être bien gérées. D’où l’intérêt que porte le Fonds sur ces questions, étant donné qu’il est garant de la stabilité macroéconomique de ses pays membres. S’il ya un impact important des catastrophes naturelles sur la balance des paiements par exemple, on pourrait aussi imaginer un appui additionnel du Fonds dans le décaissement de la FEC. Par ailleurs, une mauvaise prise en charge de ces dépenses pourrait faire déraper la mise en œuvre du programme économique soutenu par la FEC et retarder les effets des réformes qui y sont associées. Cela pourrait aussi avoir des conséquences sur le plan financier avec le retard au niveau des décaissements des différentes tranches. Et finalement, cela pourrait impacter les autres partenaires techniques et financiers qui pourraient retarder leurs décaissements respectifs s’ils n’ont pas l’assurance suffisante sur l’équilibre macroéconomique.
Recueillis par Antsa R.