
La franchise douanière est un concept qui nourrit parfois les polémiques. Rakoto Andriantiana, Directeur de la Législation et de la Valeur au sein de l’Administration douanière nous en parle
Q : En quoi consiste la franchise douanière ?
En fait, le Code des douanes dispose en ses articles 8 et 9 que toutes les marchandises sont soumises au paiement des droits et taxes à l’importation (DTI) suivant le tarif des douanes en vigueur. L’exonération est l’exception à ce principe en application de l’article 240 du Code des douanes et de l’Arrêté n°10416 MFB/SG/DGD du 04 Mai 2016. Ce régime de faveur peut découler des Conventions internationales ratifiées par Madagascar (Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, Convention de Florence) ou des dispositions nationales. Toutes les formes de franchises douanières avec les marchandises éligibles, exclues et les conditions d’application sont en effet prévues de manière exhaustive dans les deux textes suscités qui sont consultables sur le site web www.douanes.gov.mg rubrique Législation.
Q : Parmi les franchises douanières, on distingue celle accordée aux collectivités territoriales décentralisées (CTD), pouvez-vous nous en parler ?
Accorder la franchise aux CTD (région, commune) est un moyen pour l’Administration de soutenir la politique de proximité menée par le Gouvernement central. Elle est prévue par l’article 240 1° h) du code et l’article 16 de l’Arrêté 10416 susvisé. Il s’agit d’exonérer la donation venant de personnes morales à l’extérieur des marchandises bien déterminées nécessaires pour réaliser les programmes visés par le plan de développement ou présentant une utilité publique pour la collectivité concernée, à savoir : 1) les matériels roulants à usage spécifique et à équipements inamovibles (véhicules de lutte contre l’incendie, ambulance, voiture-balayeuse, véhicules pour le nettoiement des rues, voiture-échelle , voiture-dispensaire, véhicules pour transport des ordures) ; 2) les matériels servant à l’enseignement pour les écoles publiques à l’exclusion des matériels informatiques et les tablettes ; 3) les équipements pour adduction d’eau potable et l’électrification ; 4) les matériels informatiques et de communication servant à équiper le bureau de la collectivité ; 5) les poubelles publiques. Pour en bénéficier, les pièces exigibles doivent être inscrites au nom de la collectivité. En outre afin de prévenir des éventuels abus et de limiter la dépense fiscale sans pour autant restreindre le droit des bénéficiaires, il faut souligner que la quantité à importer doit être proportionnelle à l’étendue de la circonscription et à l’envergure de ses activités.
Q : Qu’en est-il des franchises douanières en matière de promotion sociale ?
Certainement, la douane est un facteur de développement social en accordant la franchise à certaines catégories de destinataires jouant un rôle d’auxiliaire du gouvernement en la matière sous réserve des conditions réglementaires bien définies. Aussi, je précise qu’il est erroné de croire que toute donation de marchandises importées adressées à des associations locales de bienfaisance ne paie pas de taxes puisqu’il s’agit de donation et que les marchandises en question sont des objets usagés. Les organismes autorisés par les textes sont :1) Les ONG ayant conclu des Accords de siège avec le Ministère des Affaires Étrangères dont les domaines d’interventions sont sanitaire, social, humanitaire, éducatif, culturel, etc: pour les envois de matériels et équipements conformément aux conditions et activités édictées dans l’Accord de siège, de deux véhicules par an de type 4×4 ou utilitaires et deux motocyclettes par an destinés à l’usage officiel de l’ONG concernée. 2) Les organismes à vocation sociale agréés par le Ministère de la Population: pour les dons de denrées alimentaires et équipements et consommables médicaux ; 3) Et enfin, les organismes d’œuvre de bienfaisance reconnues d’utilité publique par Décret jouissant de la franchise des envois qui leur sont destinés conformément aux activités décrites dans le Décret dont ils sont titulaires. Comme le cas d’une CTD, les pièces exigibles doivent être établies au nom de l’entité éligible, la quantité des marchandises devant être proportionnelle à l’étendue de son activité.
Q : Ce qu’il ne faut pas oublier ?
La franchise représente une dépense fiscale, autrement dit, un manque à gagner pour la caisse de l’État qui peut aller de l’insignifiant au colossal selon la quantité des marchandises concernées. A cet égard, l’Administration se doit de les limiter au maximum et encadrer strictement les dispositions y afférentes. La démarche est de procéder ensuite à l’application objective et stricte des textes pour veiller au traitement équitable des usagers et pallier au risque d’interprétations extensives pouvant amener à l’octroi abusif des exonérations.
Voilà pourquoi outre les exonérations prévues dans les Conventions Internationales ratifiées par Madagascar qui s’imposent de facto à notre pays, les textes nationaux ont été révisés dans le sens de la politique de limitation de ces régimes de privilèges instruite par le pouvoir central.
Propos recueillis par R.Edmond