
Le port illégal d’uniforme est une infraction qui ne fait pourtant pas partie de celles pour lesquelles le président de la République peut être poursuivi devant la Haute Cour de Justice qui n’est toujours pas en place un an et demi avant l’expiration du quinquennat en cours.
Le port de treillis militaire par le président de la République lors de la manœuvre militaire « Tintôtry 2017 » qui s’est déroulée vendredi dernier à Tampoketsa continue de susciter des polémiques. Le fait s’est produit d’ailleurs quelques semaines seulement après une affaire similaire où Barry Benson, le présentateur de l’émission « tsy Mahaleo ny sampona », une parodie de « Ny Fotoambita » du président de la République, a été accusé par les forces de l’ordre de port illégal d’uniforme militaire. Les partisans du régime soutiennent que le président de la République Hery Rajaonarimampianina a le droit de porter un uniforme militaire car il est le Chef suprême des Forces Armées. Or, les missions et les prérogatives liées à ce titre sont clairement spécifiées à l’article 56 de la Constitution : « Le président de la République est le Chef suprême des Forces Armées dont il garantit l’unité. A ce titre, il est assisté par un Haut Conseil de la défense nationale. Le haut Conseil de la défense Nationale, sous l’autorité du président de la République, a notamment pour mission de veiller à la coordination des actions confiées aux Forces Armées afin de préserver la paix sociale. Son organisation et ses attributions sont fixées par la loi. Le président de la République décide en Conseil des Ministres de l’engagement des forces et des moyens militaires pour les interventions extérieures, après avis du haut conseil de la défense nationale et du Parlement. Il arrête en Conseil des Ministres le concept de la défense nationale sous tous ses aspects militaire, économique, social, culturel, territorial et environnemental. Le président de la République nomme les militaires appellés à représenter l’Etat auprès des organismes internationaux. »
Conseil supérieur de la Magistrature. Ces dispositions constitutionennelles ne prévoient aucune exception , aucune circonstance autorisant le Chef suprême des Forces Armées, qui est un civil, de porter un treillis militaire. La Loi n°96-029 du 6 décembre 1996 portant Statut Général des Militaires ne prévoit non plus aucune exception en affirmant que le port des uniformes militaires est resérvé aux militaires. L’article 13 de cette Loi stipule : « Le port de l’uniforme militaire est obligatoire pendant le service, sauf à l’occasion de certaines circonstances fixées par voie réglementaire. » Pour défendre le président de la République, les pro-HVM font circuler dans les réseaux sociaux la photo du président français Emmanuel Macron en tenue militaire. Or, c’est une infraction en droit français même si le civil Emmanuel Macron est aussi Chef suprême des Armées. A ce propos, l’article 433-15 du Code Pénal français stipule : « Est puni de six mois d’emprisonnement et de 7.500 euros d’amende le fait, par toute personne, publiquement, de porter un costume ou un uniforme, d’utiliser un véhicule, ou de faire usage d’un insigne ou d’un doucment présentant, avec les costumes, uniformes, véhicules, insignes ou documents distinctifs réservés aux fonctionnaires de la police nationale ou aux militaires, une ressemblance de nature à causer une méprise dans l’esprit du public ». Ce qui se pratique même illégallement en France est-il forcément légal à Madagascar ? Et une autre question se pose : Le président de la République Hery Rajaonarimampianina est-il égalemnet autorisé dans certaines circonstances de porter une robe de magistrat car il est le président du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) ? Aucune disposition de la Loi organique n° 2007-039 du 14 janvier 2008 ne prévoit que le chef de l’Etat a le droit de porter une toge de magistrat pendant certaines sessions du CSM.
Grade. Bon nombre d’observateurs s’interrogent également sur le grade que doit porter le président Hery Rajaonarimampianina avec son treillis militaire. Lors de la manœuvre militaire de Tampoketsa qui a coûté environ 125 millions fmg à l’Etat, les hauts gradés de l’Armée malagasy ont porté des étoiles sur leurs épaules, pour ne citer que le ministre de la Défense nationale, le Général de Corps d’Armée Béni Xavier Rasolofonirina (Quatre Etoiles) et le secrétaire général à la Présidence, le Général de Corps d’Armée Roger Ralala (Quatre Etoiles). Le président de la République n’a porté que l’inscription TAP (dont on ne connaît pas la signification) sur le col de son uniforme. En tout cas, les observateurs politiques avertis auraient compris si le président de la République avait enlevé son treillis militaire après la manœuvre de « Tampoketsa ». Pire, il l’a porté jusqu’à Antsiranana où il était attendu dans l’après-midi du vendredi dans le cadre du jubilé de l’église FJKM. A Antsiranana, le militaire Hery Rajaonarimampianina a fait déloger manu militari l’ancien président Marc Ravalomanana de l’hôtel (Grand Hôtel) qu’il a réservé depuis plusieurs jours. Le président de la République pense-t-il qu’on vit actuellement dans une ère Martiale ?
R. Eugène