Le peuple malgache a rendu un dernier hommage à l’ancien président Zafy Albert. Les funérailles se sont déroulées samedi dernier à Betsiaka, dans le District d’Ambilobe. Au lendemain d’un enterrement qui s’est déroulé sous le signe de la réconciliation nationale, Serge Zafimahova, proche-famille et bras droit de l’ « homme au chapeau de paille » a accepté de révéler quelques anecdotes et des révélations sur lui.
95 et non 90 ans. Né d’une famille paysanne, l’ancien président Zafy Albert n’a été enregistré au registre de l’état civil qu’à l’âge de cinq ans, c’est-à-dire, l’année où il allait entrer à l’école. Pour l’obtention de son acte de naissance, il a fait l’objet d’un jugement supplétif. Né le 1er mai 1922 et non en 1927, le Professeur est donc décédé à l’âge de 95 ans et non à 90 ans. Ses proches n’ont révélé son véritable âge qu’à sa mort. Le recours à un jugement supplétif est une pratique très typique dans le milieu paysan malgache. L’ancien président n’a donc pas pu faire exception. Comme tous les enfants qui vivent en milieu rural, Zafy Albert a aussi participé aux tâches ménagères. Durant son enfance, il devait sortir les bovidés avant d’aller à l’école et les faire rentrer à son retour.
Un « Fanorolahy ». Dans sa jeunesse, l’ancien président était un « Fanorolahy » (quelqu’un qui pratiquait le « moraingy »). Selon Serge Zafimahova, Zafy Albert était un grand champion de « moraingy ». C’est aussi un des sports qu’il affectionne. C’est pourquoi avant son enterrement à Betsiaka, son corps a été transporté par des « Fanorolahy » venant de la partie Nord de la Grande Ile.
Rigoureux avec ses hôtes. Zafy Albert était très rigoureux même au niveau familial (« Masiaka be ronono »). Exemple, quand il vous invite chez lui, vous devez finir tout ce que vous mettez dans vos assiettes. Même topo pour les desserts, les hôtes ont le droit de prendre tout ce qu’ils veulent à condition de les finir, sinon, ils risquent de subir la colère du Prof. Il a aussi fait preuve de la même rigueur au sein de sa famille. Pour corriger les enfants capricieux, il suffisait de leur dire qu’ils vont être amenés chez Zafy pour les dissuader dans leurs caprices.
Réunion secrète. Après la chute du régime Tsiranana, il a participé à une réunion secrète au domicile d’Albert Zafimahova avec d’autres personnalités. Au total, au moins deux sur les 12 ministres qui ont composé le gouvernement ont participé à ladite réunion.
CSB. Zafy Albert a été à l’origine de la mise en place du système décentralisé au niveau de la santé publique. Il est le précurseur des centres de santé de base (CSB) et a formé les infirmiers qui ont été affectés au niveau des sous – préfectures. A cette époque, le nombre de médecins était insuffisant et il a fallu former des paramédicaux. Il figurait également parmi les premiers à tisser des relations étroites avec la République populaire de Chine à travers le monde médical. Il a contribué à l’arrivée des médecins à l’hôpital de Mahitsy.
Un Président « sauveur ». Alors qu’il fut déjà président de la République, il a sauvé la vie d’un enfant en effectuant une opération chirurgicale, et ce, au cours d’un déplacement dans le cadre de son « Mada-Raid ». Par la suite, les parents de l’enfant ont décidé de changer le nom du petit et de l’appeler Zafy Albert, comme le président. Beaucoup de parents ont vécu la même situation et ont tous décidé de faire porter le nom du président à leurs progénitures.
Relation conflictuelle avec Ratsiraka. La tension entre Zafy Albert et Didier Ratsiraka remonte à l’époque du gouvernement Ramanantsoa. Les deux anciens présidents ont entretenu une relation plutôt conflictuelle. D’ailleurs, durant la deuxième République, Zafy Albert a même été placé en résidence surveillée à Mantasoa avec Bao Andriamanjato. Cependant, en dehors des désaccords politiques, les deux personnalités ont entretenu une relation amicale. Les couples Zafy et Ratsiraka se sont donné rendez-vous autour d’un dîner notamment en France, mais aussi à Madagascar. « Tout conflit doit se terminer sur la table des négociations », telle est la philosophie du Professeur Zafy Albert. Après cette résidence surveillée à Mantasoa, plusieurs rencontres secrètes entre Zafy et Ratsiraka ont eu lieu, notamment celle dirigée en 1991 par Razanamasy Guy Willy.
Eclat de grenade. Lors du « Diabe » du 10 août 1991 à Iavoloha, la Garde présidentielle a reçu l’ordre de viser particulièrement la voiture 404 noire du Professeur Zafy Albert. Ce dernier a pourtant pu sortir de la voiture et prendre la fuite dans les rizières tout comme des milliers de partisans du « Herivelona Rasalama » qui ont participé à cette grande marche visant à réclamer le départ de l’Amiral Didier Ratsiraka. Cet évènement a fait plusieurs dizaines de morts. Pour sa part, le Professeur Zafy Albert figurait parmi les blessés car il a reçu un éclat de grenade sur le poignet gauche. D’ailleurs, cet engin, il l’a porté jusqu’à sa mort.
Exfiltration d’Andry Rajoelina. A l’époque où le Général Fidy était recherché par le régime Ravalomanana, les forces de l’ordre ont fouillé de fond en comble la maison de Zafy Albert, la Villa La Franchise à Ivandry. En 2009, lorsque l’Emmoreg a encerclé la résidence d’Andry Rajoelina à Ambatobe, ce dernier s’est caché pendant une nuit à la Villa La Franchise après avoir été exfiltré par un membre du Corps diplomatique et consulaire. Ce n’est que le lendemain qu’Andry Rajoelina a été déplacé à la Résidence de France.
Avantages fiscaux à Tiko. « Défendre les plus faibles ». C’est le principe de vie de l’ancien président Zafy Albert. C’est pourquoi durant les négociations de sortie de crise en 2009, il s’est rangé du côté de Marc Ravalomanana qui était en exil en Afrique du Sud. Sous la Transition, il a eu de nombreuses rencontres à huis clos avec les membres de la mouvance Ravalomanana. Les deux personnalités ont entretenu une relation assez particulière. A noter que durant l’époque où Zafy Albert était président de la République, Ravalo qui était alors à la tête du Groupe Tiko, faisait toujours partie de la délégation présidentielle lors des déplacements à l’étranger en tant que représentant du « Vita malagasy ». Le Professeur aurait même encouragé son fils aîné qui voulait fonder sa propre entreprise à l’époque, à prendre Marc Ravalomanana comme modèle. D’ailleurs, sous l’ère Zafy Albert, le régime a accordé des avantages fiscaux à l’Entreprise Tiko.