L’Homme d’Eglise n’a pas maché ses mots pour pointer du doigt le laxisme des intellectuels, des politiciens et des responsables étatiques, mais aussi des bailleurs de fonds.
« La Société malgache est malade et l’argent est érigé en Dieu par un grand nombre du sommet de la pyramide à la base ». C’est en cette phrase que Monseigneur Odon Marie Razanakolona résume la réalité sociale qui prévaut actuellement à Madagascar. Ayant assisté hier à la cérémonie d’ouverture des Journées scientifiques organisées par l’Ecole doctorale de l’Université Catholique de Madagascar (UCM), l’Archevêque d’Antananarivo a fait le tour d’horizon de la situation sociopolitique du pays. L’Homme d’Eglise n’a pas maché ses mots pour pointer du doigt le laxisme des intellectuels, des politiciens et des responsables étatiques, mais aussi des bailleurs de fonds. « Dans un pays marqué aujourd’hui par la paupérisation croissante de la population, la marginalisation des couches sociales vulnérables, l’insécurité généralisée tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales, le fléau de la corruption du plus haut de l’État jusqu’au plus bas de l’échelle sociale, un État de non droit où la loi du plus fort règne, une population n’ayant plus confiance aux représentants de l’État civils et militaires, une forte centralisation du pouvoir…, tout cela contribue à augmenter la vulnérabilité de la population et étiole sa confiance vis-à-vis de l’autorité de l’État élue et nommée », soutient Mgr Odon Marie Razanakolona. Et lui de dénoncer au passage la marginalisation de la majorité par des politiciens qui accaparent le pouvoir et la prise de décision.
Réconciliation. « Dans les recherches de solutions se voulant pérennes aux crises politiques cycliques, la population se sent être marginalisée par les tenants du pouvoir et de son élite expliquant que toutes les solutions apportées à ce jour ont un caractère éphémère et que la contestation sociale continue de couver. La justice populaire n’est qu’une facette de la crise latente, comme l’est la résistance passive de la population à toute réforme apportée par l’État. A chaque niveau de l’État et des collectivités territoriales, l’inexistence de traçabilité et l’absence de mécanisme de contrôle et de sanctions favorisent l’impunité contribuant encore plus à la défiance et au manque de confiance de la population en ses dirigeants ». En ce qui concerne la réconciliation nationale, Monseigneur Odon Marie Razanakolona estime que « ce processus est supposé apporter une stabilité durable au pays, pourtant, la population a le sentiment qu’on continue de lui confisquer la parole par un cadre biaisé limitatif et non souverain et par une représentation non représentative car non choisie par le fokonolona ».
Dépendance. L’Archevêque d’Antananarivo remet en cause le modèle de développement qui a toujours été utilisé pour résoudre les problèmes de pauvreté à Madagascar. Des programmes importés qui ne sont pas conformes à la réalité malagasy. Selon ses dires, « les relations internationales que les dirigeants entretiennent avec les Partenaires Techniques et Financiers s’articulent autour de l’esprit de dépendance dicté par l’aide et par l’assistanat sans perspective de développement réel. Et les riches potentialités des ressources naturelles restent jusqu’à présent tributaires aux pratiques abjectes liées à la mauvaise gouvernance, à la kleptomanie et à la corruption. Continuant sur sa lancée, Mgr Odon Marie Razanakolona de soutenir que « le manque flagrant de véritable vision de développement ainsi que l’absence inquiétante de politiques publiques crédibles viennent aussi assombrir l’horizon d’un développement harmonieux et respectueux de la valeur humaine ».
Missions. La Société civile est également pointée du doigt. Au lieu d’assumer pleinement leurs missions, ses membres s’immiscent dans la politique. « Il m’arrive d’observer des organisations de la société civile critiquer l’État mais j’en ai vu rarement qui osent critiquer les bailleurs de fonds dont dépendent en général leurs financements », a-t-il soutenu. Et de se demander dans la foulée si les organisations de la société civile maitrisent les tenants et les aboutissants de leur rôle. A l’issue des trois journées scientifiques, une résolution sur la situation sociopolitique du pays sera prise à l’Université Catholique de Madagascar. Des projets de recherches sont exposés à Ambatoroka durant ces trois jours.
Davis R