Le projet de loi organique constitue une entorse aux dispositions constitutionnelles sur la démission du président candidat à sa propre succession.
L’article 46 alinéa 2 de la Constitution de la Quatrième République stipule : « Le président de la République en exercice qui se porte candidat aux élections présidentielles démissionne de son poste soixante jours avant la date du scrutin présidentiel. Dans ce cas, le président du Sénat exerce les attributions présidentielles courantes jusqu’à l’investiture du nouveau président. » Ces dispositions constitutionnelles sont remises en cause par l’article 2 alinéa 7 de la future Loi organique relative à l’élection du président de la République, qui est actuellement au stade de projet de texte au niveau du gouvernement. Les dispositions législatives en question prévoient : « A partir du lendemain du premier tour de scrutin, s’il (NDLR : président candidat) n’est pas candidat au second tour et, dans tous les cas, à partir du lendemain du deuxième tour de scrutin, la démission devient caduque. Le président de la République en exercice reprend les attributions présidentielles qui lui sont conférées par la Constitution jusqu’à la date de la passation officielle du pouvoir avec son successeur conformément aux dispositions de l’article 48 alinéa 1 de la Constitution. »
Démission et non suspension. En termes plus clairs, si Hery Rajaonarimampianina ne fait pas partie des deux candidats qui passent au second tour, il reprend immédiatement ses fonctions de président de la République. Mais, s’il figure parmi les deux finalistes, il peut également reprendre ses fonctions présidentielles tout de suite après le second tour, sans attendre le résultat officiel du scrutin et sans tenir compte du fait qu’il soit ou non réélu à la tête du pays. Non seulement, le comité interministériel chargé de la révision de l’encadrement juridique du processus électoral malgache confond démission et suspension, mais il est aussi en train d’interpréter la Constitution. Or, la Loi fondamentale doit être d’interprétation stricte et seule la Haute Cour Constitutionnelle est habilitée à l’interpréter sur saisine d’un organe compétent. Pire, le comité interministériel va jusqu’à remettre en question le principe de la démission. L’esprit de l’article 46 alinéa 2 de la Constitution veut que si un président de la République en exercice démissionne de son poste pour pouvoir se porter candidat, il ne doit plus revenir au pouvoir s’il n’est pas réélu à l’issue des scrutins. Dans le cas contraire, c’est-à-dire que s’il est réélu à la tête du pays, il ne peut reprendre ses fonctions qu’après une cérémonie d’investiture (Article 48 de la Constitution) qui marque le début de son nouveau quinquennat. Pour bon nombre d’observateurs, les dispositions de l’article 2 alinéa 7 de la Loi organique relative à l’élection du président de la République sont truffées de calculs politiques.
Panique et égalité de chances. Visiblement, la défaite du futur candidat Hery Rajaonarimampianina dès le 1er tour de l’élection présidentielle de 2018 figure parmi les éventualités des rédacteurs de ce projet de loi relatif à l’élection du président de la République. Par ailleurs, ils mettent en doute la capacité du président du Sénat Rivo Rakotovao, président national du parti au pouvoir HVM, à assumer jusqu’au bout les fonctions du président de la République par intérim. Certains analystes politiques vont même jusqu’à faire constater que Hery Rajaonarimampianina n’a pas confiance en l’ancien ministre auprès de la Présidence en charge de l’Agriculture, qui a déboulonné avec des micmacs hautement politiques Honoré Rakotomanana de la présidence de la Chambre haute, dans l’objectif d’éviter une éventuelle trahison à la tête du pays durant les soixante jours avant le scrutin présidentiel. L’article 2 alinéa 7 du projet de loi relatif à l’élection du président de la République porte atteinte également à l’égalité de chances des candidats au second tour de la présidentielle. Car si le président candidat est battu dès le 1er tour et qu’il reprend ses fonctions présidentielles immédiatement après ce scrutin, il pourra soutenir un candidat au second tour, avec toutes les prérogatives de puissance publique dont il dispose.
Dispositions anticonstitutionnelles. Tout est encore au stade d’avant-projet de loi. Le gouvernement qui refuse jusqu’à présent de satisfaire la revendication du Comité de Vigilance démocratique pour les Elections (CVDE) sur la nécessité d’une large consultation sur les avant-projets de loi relatifs aux élections a déjà recueillis les avis des parlementaires pro-régime qui n’ont pas caché leur frustration devant la démarche de l’Exécutif qui est loin de favoriser la transparence dans le processus d’élaboration du cadre juridique des futures consultations populaires. Force est cependant d’anticiper que si les dispositions de l’article 2 alinéa 7 de cet avant-projet de loi organique sur l’élection du président de la République sont maintenues, elles seront déclarées non conformes à la Constitution par la Haute Cour Constitutionnelle (HCC).
R. Eugène