
Malgré l’ampleurdes travaux, les dirigeants d’Air Madagascar restent confiants. D’ici à trois ans la compagnie retrouvera l’équilibre et sera de nouveau rentable. Interview.
Midi : Le partenariat Air Austral – Air Madagascar n’est qu’à ces débuts. Mais apparemment ça commence mal avec les différents problèmes rencontrés ces derniers temps. Pour ne citer que les perturbations des vols dus aux intempéries. Comment démarre le partenariat et quelles sont les perspectives à court terme ?
Rolland Besoa Razafimaharo : Il faut clairement séparer les sujets et éviter les amalgames. La gestion des irrégularités dues à des causes naturelles ou des cas de force majeure, fait partie de la réalité de toute compagnie aérienne. Que le partenariat entre Air Madagascar et Air Austral démarre dans une période cyclonique, nécessairement plus sensible et plus complexe, n’est qu’une coïncidence.
Les difficultés rencontrées ne sont pas ainsi représentatives de la qualité de collaboration des deux compagnies. Pour autant, cette période de perturbations nous a permis conjointement d’identifier clairement nos points d’amélioration et de mieux nous armer pour faire face à tout incident dans le futur. Les deux compagnies travaillent aujourd’hui de façon rapprochée à la mise en place d’une coordination opérationnelle renforcée.
Le partenariat lui a bien démarré. D’abord, la signature de l’accord témoigne d’elle-même du travail colossal déjà effectué par les équipes Air Madagascar et par le partenaire stratégique, pour permettre à Air Madagascar de continuer à vivre et mieux, à se développer.
Les premiers cent jours du partenariat ont eux aussi été menés avec succès et ont permis d’aboutir à la mise en place du plan de transformation qui va porter et soutenir les actions de redressement de la compagnie Air Madagascar. « Alefa 2027 » a été lancé pour que la compagnie revienne à ses fondamentaux : ponctualité, régularité, qualité du produit et du service, respect du client.
Les équipes sont désormais en place, travaillent avec le partenaire stratégique sur la base du Business Plan établi et la feuille de route est claire.
Bien sûr les premières actions concrètes se rendront plus visibles dans quelques semaines. Mais au-delà de ce qui a déjà été accompli, nous pouvons déjà noter qu’Air Austral par le biais de sa filiale Ewa nous apporte une aide opérationnelle : Air Madagascar loue des heures de vol à Ewa pour effectuer certaines de ses lignes intérieures régulières: Mahajanga-Antananarivo-Mahajanga, et plus récemment, Nosy-Be-Antsiranana-Nosy-Be. Je tiens à préciser qu’il s’agit de vols d’Air Madagascar, Ewa amenant uniquement les moyens pour les réaliser (appareil, équipage, entretien avion et assurances). Et comme je l’ai déjà dit au cours de mes précédentes conférences de presse, le coût de cette mise à disposition défie toute concurrence.
Réciproquement, un ATR-72 d’Ewa arrivera la semaine prochaine dans le hangar d’Air Madagascar à Ivato: les mécaniciens malgaches y effectueront sa révision générale pendant quinze jours.
Des mécaniciens et des membres du personnel navigant d’Air Madagascar ont commencé à suivre des cours de formation au sein des installations d’Air Austral à Saint-Denis, ce qui raccourcit le temps de mise en place pour suivre ces cours effectués jusqu’à récemment en Europe.
Midi : Certains observateurs émettent des doutes quant à la capacité d’Air Austral, une compagnie régionale qui traverse, elle-même des difficultés, d’accompagner au mieux le processus de redressement d’Air Madagascar. Est- ce que ces doutes sont fondés ?
R.B.R Nous rappelons qu’Air Austral qui en 2012 était au bord de la faillite, est sortie dès 2013 du rouge et fait des profits depuis. Donc elle a démontré mieux que quiconque sa capacité de résilience et de rebond.
Il faut se rappeler que par rapport à toutes les propositions faites lors de l’appel d’offres international, celle d’Air Austral a incontestablement fait l’unanimité auprès de tous les «évaluateurs » par sa connaissance du dossier, son diagnostic et son implication.
Le Business Plan présenté n’a fait l’objet d’aucune réserve de la part des différents cabinets chargés par les différentes parties prenantes d’ évaluer sa pertinence.
Pour autant, les challenges de l’exécution demeurent. Air Austral a mis en place une équipe et apportera les moyens et l’expertise pour avancer.
On peut citer par exemple le travail des équipes pour le lancement de « Tsaradia » ou encore l’amélioration du site internet.
Midi : Pouvez-vous nous donner plus d’éclaircissements sur la demande faite aux fournisseurs d’abandonner 30% de leurs créances, car certains pensent que c’est injuste.
R.B.R. ll convient de préciser que parmi les conditions préalables, le gouvernement malgache s’était engagé à financer les pertes et passifs antérieurs de la Compagnie. Dans ce cadre, le gouvernement a demandé à Air Austral/Air Madagascar de négocier avec les fournisseurs un abattement de leurs créances jusqu’à 30%.
La situation économique et financière dans laquelle se trouve la compagnie Air Madagascar est une situation qui reste complexe et fragile. Il ne faut pas l’oublier. Nous agissons pour améliorer cette situation. Il paraît dans ce cadre responsable et indispensable, de trouver les voies et moyens de renégocier ses créances et lui donner toutes les chances de la réussite.
Midi : La haute saison approche. Or à ma connaissance, le deuxième Airbus A 340 qui assure le long courrier est encore cloué au sol. Et d’après nos informations, l’autre passera bientôt en entretien et sera donc également immobilisé. Comment allez-vous faire pour se maintenir sur le marché pendant la haute saison ? Sur le moyen ou long terme, est-ce que vous allez continuer à utiliser ces deux Airbus dont le coût d’exploitation, disent les observateurs, est excessivement élevé ?
R.B.R. Nous menons actuellement les négociations avec Air France dans le but de trouver un terrain d’entente. Les négociations étant en cours et ce dossier étant complexe, je ne peux pas à ce stade en dire davantage, mais nous restons confiants qu’une issue favorable puisse être trouvée tant pour ce qui concerne le règlement du passif, que pour les perspectives d’évolution de la flotte.
Nous menons en effet avec Air Austral une réflexion conjointe pour un renouvellement de la flotte à horizon 2022-2023.
Midi : Quand est-ce que Air Madagascar va retrouver un équilibre et repasser à la rentabilité ?
R.B.R. Le Business plan prévoit un retour à la rentabilité d’ici à trois ans. Les actions déployées à travers le projet de transformation Alefa 2027 sont toutes dirigées en ce sens.
Midi : Comment la compagnie va faire pour faire face à la concurrence rendue très rude, par l’open sky ?
R.B.R. Il sera important d’observer la situation globale des différents acteurs et opérateurs avant de pouvoir se positionner.
L’open sky n’est pas synonyme d’une libéralisation sans contrôle au risque d’aboutir à une situation désastreuse économiquement. Dans ce cadre, l’Etat doit pouvoir jouer son rôle de régulateur de l’offre. Cela ne serait pas sans conséquence sur la survie d’Air Madagascar.
Propos recueillis par R.Edmond.