« Saly ny akama ! » devraient-ils se dire pour se saluer. Et Kama de commencer la conversation avec sa verve habituelle : « Toi alors tu es toujours en train de faire le malin, tu trouves toujours le moyen de prendre un raccourci, d’Andohalo , tu as vite dévalé la falaise pour aller à Anosizato et devenir cendres, malin que tu es ! » Et Raintsi, avec le sourire au coin des lèvres de répondre avec son flegme habituel : « Et toi, avec ta fausse allure de Zomako, tu as oublié l’Andriana de Fandriana que tu es ! Et tant pis pour toi ! On t’a trimbalé et exhibé d’église en église, de bourgade en bourgade et même les crocodiles ont détourné leurs gros yeux jusqu’à ton sacré Fisakana . En plus, on ne saura pas encore quand ton corps deviendra poussière tant on te recouvrira régulièrement de nouveaux linceuls. Il t’aurait mieux valu endosser ton fidèle blouson noir et s’en aller illico presto comme moi au Fasan’ny karana. »
Et sur ce, après ces salamalecs propres à leur génération (on ne cite pas ici les « petits mots ») vont s’asseoir et continuer de plus belle la conversation.
- Ouf, je prendrai bien une petite mousse, dit l’un.
- Et moi, une bonne gauloise bien tassée, continue l’autre. N’empêche qu’on s’est bien marré en bas, tu t’en souviens du coup de maître que tu leur as balancé avec le groupe Antsa, pas le Antsan’i Kristy mais le mouvement Tu as rameuté comme tu as pu tous les copains artistes, intellos et même ceux d’Anatihazo, et on avait dit qu’ils représentaient la nouvelle voie celle du renouvellement de la classe politique. Tu as osé même interpeller l’Amiral en lui disant « Ielahy » Et ça a marché ! Tu as vu comment tu as ramassé le jack pot, le vrai, le plus gros. Tu as été catapulté à la tête de l’Etat comme Conseiller Suprême de la Révolution au nez et à la barbe des « staliniens », si tu avais vu leurs têtes, d’enterrement !
- Et toi alors, avec tes créations de mots comme « Serasera » ou autres, le jeunot de la radio cachait bien ses ambitions, tu as bien bouleversé avec idées toutes «mafana» et la radio, et la télé, et même la pensée de la culture malgache. Tu as récupéré des barbots ou des gavroches, si tu veux, pour les propulser au devant de la scène et devenir de grandes vedettes de la musique. T’es fort toi en « serasera ». Toi aussi tu es devenu avec mérite, un homme d’Etat adulé de tous.
- On a fait fort nous ! disent les deux à l’unisson, et en plus on était beau, mais chut chut, même l’univers a des oreilles.
- Ndao !
Et les voilà comme deux bambins partis sautiller de nuages en nuages traverser le paradis des bien nés.
M.Ranarivao