CHAPO
Les détenus mineurs de la prison d’Antanimora ont bluffé l’assistance hier, à l’occasion d’un spectacle préparé grâce à l’ONG Grandir Dignement. L’histoire de Madagascar a été interprétée à merveille !
Spectacle inédit, hier, à Antanimora, dans le quartier des détenus mineurs. En l’espace d’une matinée, la grande cour s’est transformée en grande scène ouverte, et les détenus en apprentis comédiens. « On a préparé ce spectacle depuis un mois » rapporte alors Toky, éducateur spécialisé au sein de l’ONG Grandir Dignement, à l’origine de ce projet. L’histoire raconte les grands moments de l’Histoire de Madagascar. Cela commence par la découverte de la Grande Ile, puis par la royauté, la colonisation, avec en sus un drapeau français (vrai de vrai) comme accessoire, et les différents régimes qui se sont succédé. Les comédiens ont alors bien interprété les soulèvements populaires qui ont renversé le régime Tsiranana lors de la 1re République, le meurtre de Ratsimandrava, puis les soulèvements populaires (encore) sous Ratsiraka, l’empêchement de Zafy Albert et le retour de Ratsiraka, l’entrée en scène politique de Ravalomanana et le coup d’Etat de 2009 qui a laissé place à Rajoelina. « J’ai écrit l’histoire, certes, mais les enfants ont beaucoup apporté » raconte encore Toky. Car l’histoire ne se contente pas seulement de dépeindre l’histoire malgache. Dans le scénario, les « vahoaka » ont fait appel à un « dadarabe » pour soigner Madagascar, mais cela n’a rien donné. Puis, ils ont fait appel à des gens d’église, mais là non plus, ça n’a rien arrangé. Finalement, ce sont les Malgaches eux-mêmes qui peuvent sauver Madagascar, grâce à des valeurs telles que la solidarité, le respect ou encore le patriotisme.
Grandir dignement. Ce projet de spectacle entre dans le cadre des activités de l’ONG Grandir Dignement. Installée à Madagascar depuis 2009 grâce à 2 volontaires français, cette ONG se tourne principalement vers des activités caritatives en faveur des mineurs détenus. Les activités ont commencé au centre de rééducation des mineurs à Anjanamasina, mais depuis, l’administration pénitentiaire les a sollicités pour venir à Antanimora. C’est ainsi que d’autres actions ont été menées dans ce centre de détention : nouvelles infrastructures (goudron sur le sol, peintures sur les bâtiments…) de petites choses visant à améliorer les conditions de vie de ces détenus. Puis, cela s’est étendu vers l’alimentation, car grâce aux aides du PAM (jusqu’en octobre dernier) et des généreux donateurs, ces détenus ont eu droit à 3 repas par jour : riz, manioc et koba, si l’administration pénitentiaire ne pouvait donner que du manioc avant. Depuis, ces détenus mangent même des légumes et un peu de repas équilibré. En septembre 2012, l’ONG a pu mettre en place une infirmerie, et depuis peu, il existe le suivi judiciaire, un rapport effectué par les éducateurs qui peuvent attester du changement de comportement des détenus. Depuis une semaine, les détenus suivent des formations professionnelles en artisanat, et l’ONG prépare même leur sortie post carcérale en les orientant vers des associations recueillant des enfants défavorisés pour qu’ils ne replongent plus dans la délinquance.
Oisiveté. Les détenus ont fortement apprécié de participer à ce projet. « Ce spectacle fait partie des activités visant à améliorer les conditions de vie de ces détenus mineurs. Dans la journée, les détenus n’ont parfois rien à faire, pendant que ceux qui sont en cours travaillent. Alors, l’idée nous est venue de leur faire faire quelque chose pour s’occuper » explique toujours Toky. L’histoire, mise en scène par Fetra, est drôle, et captivante, tellement vraie et un brin sarcastique, surtout lorsqu’à un moment, l’on se souvient que ces comédiens en herbe sont en fait des détenus mineurs. Fanilo est l’un d’entre eux. Agé aujourd’hui de 17 ans, il est condamné à 4 ans de détention pour viol. Dans la pièce, il a joué le rôle d’un roi. « C’était très excitant pour moi, très intéressant. Certes, au début, j’avais le cœur qui battait la chamade, et j’étais un peu timide, mais après, la passion a pris le dessus, et finalement, tout s’est bien passé ». Fanilo n’est pas à sa première expérience. « J’ai déjà participé à un petit spectacle quand j’étais encore à l’école, durant les fêtes des écoles » avoue-t-il. « Mon souhait serait de devenir éducateur et metteur en scène » lâche-t-il, plein d’espoir. Quant à l’ONG Grandir Dignement, pouvoir sortir le spectacle des murs de la prison serait leur prochain défi. Belle initiative !
Anjara Rasoanaivo