
Il s’appelle Ramanantsoa Heriniaina Juliano Dani. C’est un natif de Toliara, qui a grandi dans ses eaux, et y a fait toutes ses études jusqu’au DEA. Il a continué ses études universitaires à l’Institut Halieutique et des Sciences Marines (IH.SM) qui lui a inculqué le goôt pour l’océan. Par la suite, il continue sur un Master 2, spécialisé sur la télédétection et risque naturels, affilié à l’Université de la Réunion dont il a pris une option orientée à l’observation de l’océan utilisant les satellites. Toujours poussé par l’ambition de vouloir entreprendre plus sur la connaissance de l’océan, il s’est inscrit à l’Université de Cape Town (South Africa) pour un Ph.D axé sur la dynamique de l’océan.
MIDI Madagasikara : « Qu’est-ce que vous avez découvert exactement ? C’est unique ? A quoi cela sert-il ? Quels en sont les avantages ? »
Ramanantsoa Juliano : « J’ai découvert pour la première fois un courant côtier, nommé “South-west MAdagascar Coastal Current (SMACC)” coulant au Sud-Ouest de Madagascar. C’est un courant chaud de surface qui s’étend depuis Morombe jusqu’au Cap Sainte- Marie avec une profondeur moyenne de 150 m. Le plus important dans cette découverte est que le nouveau courant (SMACC) influence l’occurrence du système de la remontée d’eau froide (upwelling) qui favorise la productivité de l’océan au Sud de Madagascar. Ce nouveau courant a été perçu comme influençant également le grand courant des Aiguilles à proximité de l’Afrique du Sud et qui peut affecter le climat mondial. »
M.M. : C’est unique ?
R.J. : Découvrir un courant marin au XXIe siècle est presque impossible. D’après toutes les avancées technologiques que l’Humanité possède, il reste une pièce de courant qui a échappé à tout le monde: le SMACC.
M.M. : Quelles en sont les conséquences ?
R.J. : Premièrement, la carte de la circulation océanique mondiale va être redéfinie avec l’inclusion de cette nouvelle information. Deuxièmement, la découverte de ce courant va contribuer à la compréhension de la variabilité de la circulation dans la région du Sud-Ouest de l’Océan Indien, et même mondialement.
Pour les conséquences plus locales, la connaissance du nouveau courant permettra également d’anticiper la productivité de l’océan au Sud de Madagascar, autour du Cap Sainte- Marie.
La connaissance du courant marin est importante pour estimer et anticiper les effets du changement climatique (comme el Nino) qui pourrait frapper les eaux de Madagascar ainsi que les effets cascades sur les êtres qui y vivent.
La découverte de ce courant va également servir de base pour des éventuelles mises à jour du domaine “Marine Spatial Planning” ou future mise en place des “Marine Protected Areas” pour Madagascar.

M.M. : Pourquoi cette passion pour les courants marins ?
R.J. : Premièrement, j’ai l’océan qui coule dans mes veines …Sur l’immense surface de la Zone Economique Exclusive (ZEE) de Madagascar, nous possédons une connaissance très limitée de nos eaux. Les étrangers connaissent nos eaux mieux loin que nous-mêmes. J’avais identifié ces lacunes dans l’étude de la circulation des eaux autour de Madagascar. Les études déjà entreprises auparavant étaient surtout axées sur la biologie marine, la conservation marine, la pêcherie ainsi que des études des écosystèmes marins. Néanmoins, la dynamique de circulation de l’océan est un important composant de base pour comprendre celle de ces autres domaines cités précédemment. Ayant eu une base sur chacune de ces domaines, j’ai décidé d’entreprendre une étude sur la dynamique de l’océan par son incontournable importance.
M.M. : Quels sont les publications qui ont sorti cette découverte ?
R.J. : La description du courant a été publiée dans un “Per-Review-Article” sous un journal scientifique réputé “Geophysical Research Letters (GRL)” (https://doi.org/10.1002/2017GL075900). Le papier en question a été également sélectionné par un autre journal réputé “EOS” (plateforme qui sélectionne les “best paper”) en étant un des importants papiers sortis récemment.
Le résultat a fait un boom médiatique après que mon encadreur et moi-même avons accepté de faire une vidéo sur la description du résultat de la publication et d’expliquer l’effet global de cette découverte. Depuis la semaine dernière, on a accumulé des interviews médiatiques dans les plateformes radio, tv et surtout journaux. La plus grandiose de tous était mon apparition sur le “Sunday Time” (National journal-ecrit de l’Afrique du Sud, très réputé en SA et internationalement).
M.M. : Que faites-vous actuellement ? Sur le plan « études » et sur le plan professionnel ?
R.J. : Actuellement, je suis aux termes de mon PhD ici à l’Université du Cape Town. Mes collaborateurs et moi-même prévoyons d’ouvrir un laboratoire d’océanographie physique pour Madagascar, pour que Madagascar puisse entreprendre les études de ses eaux, par lui-même, et tout en étant connecté et collaborer avec les pays voisins. Mon ambition est de promouvoir la capacité de publication des recherches en océanographie physique pour la recherche malgache, la seule et unique approche de se placer dans le rang international en terme de reconnaissance scientifique.
Il est aussi très important d’anticiper les effets du changement climatique qui frappent les eaux de Madagascar par le biais de l’implantation de ce laboratoire.
M.M. : Quid de la connaissance de votre sujet à Madagascar ?
- J. : Je suis également un doctorant affilié l’Institut Halieutique et des Sciences Marines (IH.SM), et travaille étroitement avec le Centre National des Données Océanographiques (CNDO) sis à Toliara.
M.M. : Y a t-il beaucoup de gens qui sont dans cette filière ?
R.J. : Pour l’instant, à ce que je sache, il y a encore très peu d’études sur l’océanographie physique qui a été entreprise à Madagascar, et s’il y en a, ce sera entrepris par des institutions étrangères.
Cette filière n’est pas très suivie car elle nécessite une connaissance avancée en dynamique de l’océan et également nécessite un ordinateur avec une puissance de calcul que peu de nos Universités possèdent. Néanmoins, l’Institut Halieutique et des Sciences Marines (IH.SM) prévoit déjà d’inclure cette filière dans son curricula.
Par Anny Andrianaivonirina