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mardi, juillet 1, 2025
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Violence envers les enfants à Madagascar: il faut qu’on en parle!

Le lancement officiel des résultats de l’étude sur les violences envers les enfants à Madagascar.

Rapportées ou non par la presse, les violences envers les enfants sont des faits sociaux qui se pratiquent quotidiennement au vu et au su de tous. La situation est d’autant plus inquiétante lorsque lesdits faits sociaux sont considérés comme normaux, minimisés et normalisés….Et ce, au détriment des victimes qui endurent les faits dans le silence et l’ignorance totale. Du côté du gouvernement, des dispositifs tels que les centres Vonjy ont été mis en place pour remédier progressivement à ces problèmes. D’autres initiatives comme les dispositifs de signalement, un numéro vert (144), rejoignent ces efforts. Les acteurs non gouvernementaux ne sont pas en reste. Ils s’activent via des actions de sensibilisation, de vulgarisation de principe, ou encore d’interpellation sur les cas de violence observés.

Les enfants sont considérés comme des sujets passifs et doivent dans ce cas se taire.

Violence envers les enfants: poids de la culture, faits normaux, indifférence. Le lancement du premier rapport d’étude sur la violence envers les enfants qui s’est déroulé à l’Hôtel Colbert Antaninarenina le mardi 19 juin 2018 dernier était l’occasion pour divers acteurs de prendre connaissance de l’ampleur de la situation relative aux problématiques de la violence envers les enfants actuellement. Le rapport dessinait bien sombre tableau de ce qui se fait devant les yeux des Malgaches. Des enfants qui subissent des actes de violence dans leurs foyers, au sein de leurs familles, en milieu scolaire et dans le milieu du travail. Des violences quasi quotidiennes qui sont considérées comme des crimes et qui passent sans que de réelles actions ne soient entreprises par les acteurs. Les discussions qui ont été organisées durant le lancement officiel ont fait ressortir le poids de la culture, en ce qui concerne le genre. «Il faut prendre en compte la notion de genre lorsque l’on parle de violence envers les enfants. Une notion qui trouve tout son sens sur la situation actuelle et qui détermine l’avenir des éventuelles victimes» a-t-on dit. En effet, dans la société malgache, la différence de traitement entre garçon et fille, homme et femme fait que la gent féminine est sommée de se taire, d’endurer et d’être «soumise». Tandis que le sexe masculin est encouragé à s’exprimer et à se faire valoir. Par ailleurs, un point important  également, le fait que la société malgache  considère l’enfant comme étant un «sujet passif ayant avant tout des obligations».

 

La violence envers les enfants est observée dans le milieu scolaire.

Dénoncer, c’est difficile et c’est lourd!. Si le cas de violence se fait donc sur une fille ou une femme, elle (la violence) sera –d’emblée – difficilement observée. Pour le cas de viol sur mineur par exemple, la jeune victime aurait l’attitude – par automatisme – de taire ce qui lui a été fait. Elle (la victime) aura du mal à s’exprimer et à dénoncer l’acte, à cause de la culture ou de la honte. Viennent après les étapes – plus précisément les pressions – des procédures suite à une éventuelle dénonciation qui comprend les enquêtes, la présence des forces de l’ordre, les yeux de la société sur la victime, les séances d’interrogatoires durant lesquelles la victime doit répondre aux mêmes questions et «revivre ce qu’elle a enduré: une agression psychologique, morale et physique». Des étapes qui échappent complètement à une jeune fille qui n’a pas choisi d’être victime, mais auxquelles elle  doit faire face pour qu’on lui «rende justice».

Outre les raisons avancées ci-dessus, la rareté des cas de signalement pourrait également être expliquée par deux niveaux de «soucis». Le premier niveau fait référence à des services publics ne répondant pas aux besoins spécifiques des enfants. Tandis que le second correspond à une combinaison de difficultés et de lacunes au niveau des familles et ménages malgaches. Entre autres des conditions de vie difficiles, la méconnaissance des mécanismes disponibles, le fardeau économique, le peu de confiance que représente le recours à la Justice et le désir de préserver la cohésion sociale.

Une première étude à l’échelle nationale. Le lancement de la première étude relative aux violences envers les enfants devrait permettre à chacun de prendre conscience des réalités et d’agir en conséquence…du moins, c’est ce que l’on attend. En effet, effectuées sur des enfants de cinq  à 18 ans, les violences en question sont observées auprès des familles, en milieu scolaire et dans le milieu du travail.

Des statistiques affolantes. Les chiffres sont alarmants et elles indignent. Plus de 10 000 cas de violence envers les enfants de moins de  cinq  ans sont pris en charge chaque année par les réseaux de Protection de l’Enfant. 17% des jeunes filles de 10 à 17 ans ont été victimes de violences physiques. Toujours dans cette tranche d’âge, 870 jeunes filles ont été victimes de viols et pris en charge dans les centres Vonjy en 2017. 1/3 des décès lors de l’accouchement concerne des adolescentes de 17 à 18 ans. En ce qui concerne les violences sexuelles, 15% des filles de 15 à 19 ans ont été victimes de violences sexuelles et 22,5% des filles de 15 à 19 ans ont été victimes de violences émotionnelles.

D’autres chiffres qui en disent long sur la situation de

2523 personnes interrogées durant l’étude

Près de neuf  jeunes sur dix déclarent avoir été victimes de châtiment corporel au sein de leur famille

Un jeune sur deux dit avoir subi des violences en milieu scolaire

Quatre  enfants sur 10 affirment avoir travaillé avant l’âge de 18 ans

89% des jeunes déclarent avoir été victimes de châtiment corporel dans leur famille, soit près de neuf  jeunes sur 10

65% des répondants considèrent le châtiment corporel comme approprié à la maison

Plus de la moitié des jeunes affirment avoir subi des violences en milieu scolaire, soit un  jeune sur deux

29% des jeunes acceptent le châtiment corporel en milieu scolaire

Pour le travail des enfants, 40% de jeunes affirment avoir travaillé avant 18 ans.

La famille considère les châtiments corporels comme étant juste et utile.

Les recommandations. L’étude menée par l’Unicef et le gouvernement malgache  donne des pistes de réflexion et des suggestions. Répartis sur trois niveaux: elles concernent la politique et la gouvernance, la prévention de la violence et de l’exploitation, le signalement et la prise en charge et le renforcement des capacités.  A cet effet, l’étude suggère l’inscription de la violence dans les priorités nationales de développement,  la fourniture de cadre normatif clair de lutte contre la violence qui serait doté de moyens adéquats ainsi que l’augmentation des ressources dévolues à la protection des enfants contre la violence. Aussi, il serait nécessaire de vulgariser et diffuser les lois y incluant l’obligation de signalement au travers des différents canaux. L’interdiction explicite de  toutes formes de violence physique et psychologique envers les enfants ainsi que la sensibilisation des familles et communautés sur les formes et impacts des violences dans les lieux de travail ou encore du renforcement des mécanismes de contrôle et signalement sont à préconiser. D’autres recommandations font également partie de la liste. Quoi qu’il en soit, la première et la plus importante concerne  l’engagement politique des gouvernants. Une volonté qui devrait être suivie «d’action cohérente, pérenne et bien coordonnée» visant à réduire de façon considérable les cas de violence. Une volonté qui se traduirait par une politique engagée et bien définie qui trace les actions à entreprendre par tous les acteurs, mais surtout qui coordonne les différentes activités desdits acteurs. La dernière et non la moindre, la recevabilité de chaque acteur qui devrait rendre des comptes sur toutes les activités qu’il entreprend dans la lutte contre le fléau. Une recevabilité qui doit couler de source, mais qui fait défaut actuellement.

 Dossier réalisé par José Belalahy

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