La course à la magistrature suprême est bel et bien lancée, et les candidats, tous décidés à sortir Madagascar de l’extrême pauvreté, usent de leurs expériences et de leurs visions de développement pour atteindre cet objectif. Dans cette élection, sur les 36 candidats, quatre sont des femmes. L’une d’entre elles, Fanirisoa Ernaivo, veut se démarquer à travers son parcours et ses ambitions pour la population. Portrait d’une femme qui a tracé son chemin pas à pas.
Les gauchers sont intelligents, dit-on, et Fanirisoa Ernaivo ne fait pas exception. C’est armée de connaissances, mais surtout d’une insatiable envie d’apprendre que Fanirisoa Ernaivo se construit et bâtit sa carrière.
Sa mère a toujours été fière d’elle, car en ramenant son bulletin de notes à la maison, Fanirisoa Ernaivo n’avait que de bonnes notes. D’ailleurs, la jeune fille a empoché son bac avec mention. Après ses études générales, elle s’est inscrite à l’université d’Antananarivo, et a obtenu le diplôme d’études d’universités générales de la faculté de l’ESDEGS. Elle se tourne ensuite vers les études à distance à l’université privée CNTEMAD pour obtenir le Magistère en droit privé en 2005. Elle devient magistrat en 2006 alors qu’elle est admise au concours d’entrée à l’Ecole Nationale de Magistrat et de Greffe. Sa première affectation l’emmène au Tribunal de Première Instance d’Ambatolampy. Elle est ensuite nommée substitut du Procureur pour devenir Magistrat Inspecteur au sein du Ministère de la Justice, puis Juge au Tribunal d’Antananarivo au poste de Substitut du procureur de cette même juridiction.
Par ailleurs, elle intègre la 8e promotion du Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques en 2011. Cela lui a permis d’acquérir des connaissances dans le domaine de la diplomatie, en découvrant successivement Dubaï, Washington, New York et New Dehli.
Fanirisoa Ernaivo ne s’arrête pas là, et continue à apprendre, encore et encore, en s’interessant au monde du travail et des lois sociales. Elle se tourne alors vers l’Organisation Internationale du Travail et décroche une série de certificats spécialisants, dont celui sur la migration des mains d’œuvre, un certificat sur les normes internationales pour juges, juristes et professeurs de droit. Elle dispose en outre de certificat de l’académie de genre. Ce qui lui donne l’envie de promouvoir et d’approfondir les questions de Genre, de la Promotion de la femme, de la Protection des droits des travailleurs immigrés, de lutte contre la Traite des personnes et des droits syndicaux.
Une meneuse de lutte syndicale. Fanirisoa Ernaivo aurait pu être un magistrat comme un autre, une femme comme une autre, une mère banale et sans histoire. Mais elle en est autrement. Son tempérament et ses ambitions sont tels qu’elle a dû tracer son chemin. N’ayant peur de rien, et surtout pas de marteler et de faire entendre la vérité, de mener des combats parfois difficiles, Faniry, que tout le monde connaît désormais grâce à ses actions de luttes syndicalistes, a été élue présidente du Syndicat des Magistrats de Madagascar en décembre 2016. Le défi a été de taille, car la jeune femme a dû s’imposer non seulement face aux plus hauts gradés dans le rang des plus anciens, mais aussi face aux médias qui ont depuis, fait monter sa notoriété, en parlant d’elle. D’ailleurs, toujours disponible et très réceptive, Faniry a toujours fait tout pour répondre au mieux aux questions des journalistes. Raison pour laquelle elle a fait de la presse un de ses amis proches.
En devenant présidente du SMM, Faniry a tout à prouver, pour honorer son statut de jeune et de femme. Son premier discours à l’époque était axé sur l’indépendance de la Justice, la nécessité absolue de l’Etat de droit, et le respect des valeurs et droits humains. Comme elle le dit souvent, « Nous avons comme mission de faire des réformes en profondeur pour que les justiciables aient confiance enfin aux juges, pour que l’Etat de droit soit effectif, pour que l’impunité soit abolie et pour que l’indépendance de la justice ne soit plus une lettre morte ». Et elle n’y est pas allée de main morte : une affaire politico-judiciaire éclatait au grand jour avec l’arrestation par le Bureau indépendant anti-corruption d’une Conseillère du Président de la République, mais qui a été exfiltrée par une EVASAN. Fanirisoa Ernaivo a lancé un ultimatum à l’endroit du régime pour que la conseillère soit rapatriée et ce fût exécuté. Elle gagne ainsi le respect du peuple avide de cette lutte pour l’égalité. Et cela même si de toute évidence, le combat est encore très long. Et elle ne s’arrête pas là, car elle a regroupé les 80 Syndicats issus des domaines privés et publics dans une même plateforme de solidarité des Syndicats de Madagascar dont elle est de nouveau la Présidente.
Améliorer les conditions de vie. Que Fanirisoa Ernaivo dépose son dossier de candidature à la course à la magistrature suprême, ce n’est plus étonnant. C’est même la suite logique de toutes les démarches qu’elle a effectuées depuis quelques années. De son background, l’égalité des droits devant la loi est légitimement son fer de lance. Dans sa vision, elle a mis en exergue quatre grands points de priorité. Et l’une d’entre elle est la décentralisation effective. Selon la candidate, « c’est déjà prévu dans la loi mais ce n’est pas appliqué ». Mais ce n’est pas tout. Cette épouse, mère de famille, et ancienne membre du cabinet du Ministère de la Population, de la Protection Sociale et de la Promotion de la Femme, a une pensée particulière à la famille, notamment aux conditions de la femme, mais aussi des enseignants. Certainement du fait d’être la fille d’un prof de maths. Son ambition est également de rendre gratuit l’accès à l’enseignement de base, l’accès aux soins pour les plus nécessiteux, et la mise en place d’un système de mutuelle de santé pour tous. Dans le secteur économique, elle aimerait voir des citoyens qui ont un pouvoir d’achat raisonnable pour améliorer les conditions de vie. Aussi, elle veut mettre en place une banque malgache qui prêterait à un taux plus ou moins bas, la promotion des petites et moyennes entreprises, l’allègement fiscal mais un meilleur recouvrement, un système d’alternance de travail étudiants, un accroissement des activités dans le secteur tourisme, agroalimentaire et minier. Enfin, et face aux grandes angoisses liées au changement climatique, elle prévoit de promouvoir l’utilisation de l’énergie durable et une meilleure gestion des exploitations minières et halieutiques.
Anjara RASOANAIVO