
Atmosphère de fin de règne hier à Iavoloha lors du dernier conseil des ministres qui s’est tenu la veille de la démission obligatoire du président candidat, sous peine de renier sa déclaration sur l’honneur de respecter les dispositions de la Constitution qui constitue l’une des pièces exigées pour la validation de tout dossier de candidature.
Même pour un président qui se prénomme Hery, …force doit rester à la loi. De surcroît la loi fondamentale qui prévoit en son article 46 alinéa 2 que « Le Président de la République en exercice qui se porte candidat aux élections présidentielles, démissionne de son poste soixante jours avant la date du scrutin présidentiel (…) ». En application de ces dispositions, le candidat n°12 est tenu de rendre son tablier aujourd’hui tel qu’il est d’ailleurs ordonné par l’article 10 de la Décision n°18-HCC/D3 du 25 mai 2018 relative à une requête en déchéance du Président de la République Hery Rajaonarimampianina. Il encourt cette fois-ci la déchéance s’il refuse de démissionner. Ce qui l’écarterait de la course à la magistrature suprême en vertu de l’article 132 de la Constitution qui dispose que « le Président frappé de déchéance n’est plus éligible à toute fonction publique élective ». Le fait de renier sa déclaration sur l’honneur pourrait aussi entraîner l’invalidation de sa candidature par la HCC.
65 généraux. Afin de ne pas perdre sur tous les tableaux, le président candidat va démissionner aujourd’hui. Il a dit « veloma » hier au PM Ntsay Christian et aux membres du gouvernement lors du dernier conseil des ministres qui était l’occasion pour le président sortant de procéder à tout-va à une cascade de nominations, entre autres celles de 65 généraux alors que pareil avancement se fait normalement vers la fin de l’année. Un clin d’œil du futur ex-chef suprême des forces armées à la Grande Muette dans l’espoir peut-être que cette dernière aura voix au chapitre le 7 novembre prochain, mais aussi au cas où le schéma postélectoral évoqué par l’Amiral viendrait à se produire.
Ambassadeurs. Le président candidat aura également usé et abusé jusqu’au bout de ses prérogatives dont celles prévues par l’article 57 de la Constitution qui dispose que « le Président de la République accrédite et rappelle les Ambassadeurs et les envoyés extraordinaires de la République auprès des autres Etats et des Organisations internationales ». Comme c’était déjà le cas pour la nomination du nouvel Ambassadeur de Madagascar auprès du Royaume Uni et de l’Irlande du Nord lors de l’avant-dernier conseil des ministres, le chef de l’Etat a « récidivé » hier en nommant d’autres ambassadeurs, pour ne citer que celui qui sera en poste à Beijing où il vient du reste d’effectuer son dernier déplacement en tant que Président. Des nominations inopportunes de la part de Hery Rajaonarimampianina qui ne l’a pourtant pas fait pendant plus de quatre ans, mais aura attendu la veille de sa démission prévue ce jour.
Date de référence. Sauf s’il décide de déménager tout de suite, le locataire d’Iavoloha gardera probablement les clés du Palais jusqu’au jour de la prestation de serment du nouveau Président élu, c’est-à-dire jusqu’au 25 janvier 2019 quoique cette date ne soit pas impérative. En effet, dans sa Décision n°16-HCC/D3 du 03 mai 2018 portant sur la loi organique n°2018-009 relative à l’élection du Président de la République, le juge constitutionnel a fait savoir dans le Considérant 10 que « la date du 25 janvier 2014, date de prestation de serment, est considérée comme une date de référence pour enclencher le processus pour l’élection du Président de la République, ne doit pas forcément coïncider avec la date de prestation de serment du prochain Président élu ».
Attributions courantes. En d’autres termes, la prestation de serment du second président de la Quatrième République pourrait avoir lieu peu avant ou peu après le 25 janvier 2019. « Dans un délai raisonnable », pour reprendre la notion juridique à laquelle se réfère le Considérant 11 de la même Décision. « Pour qu’il n’y ait pas un écart flagrant entre chaque date de prestation de serment sauf cas de force majeure constatée par la juridiction de céans », explique la HCC. Laquelle pourrait être saisie d’une manière imminente pour donner son avis sur l’interprétation de la seconde partie du second alinéa de l’article 46 de la loi fondamentale qui dispose que « Dans ce cas, le Président du Sénat exerce les attributions présidentielles courantes jusqu’à l’investiture du nouveau Président ».
Exécutif monocéphale. Qu’est-ce que le Constituant veut entendre par « attributions présidentielles courantes » ? Sans anticiper sur le prochain Avis de la HCC, on est en droit – au sens juridique et …courant du terme – d’avancer que les affaires courantes désignent les décisions quotidiennes nécessaires au fonctionnement ininterrompu du service public. Dans le cas d’espèce, il s’agit d’éviter une vacance totale de la Présidence en tenant compte du fait que l’ancien titulaire du poste a été sanctionné par la HCC qui a réduit en conséquence ses prérogatives. Le Président du Sénat hérite donc de pouvoirs limités. Qui plus est, l’intéressé n’a pas de légitimité issue du suffrage universel – même indirect – car c’est un sénateur nommé. Il ne peut pas se prévaloir de l’article 44 de la Constitution qui stipule que « La fonction exécutive est exercée par le Président de la République et le Gouvernement ». Après la démission du premier, l’Exécutif devient monocéphale avec un gouvernement de plein exercice dirigé par le Premier ministre de consensus. D’où peut-être ces nominations intempestives et contraires aux pratiques républicaines et universellement admises qui veulent qu’un Président sur le départ s’abstienne de prendre des décisions engageant son futur successeur, même s’il venait à succéder à lui-même.
Droit coutumier. Le Président sortant est comme le président du Sénat qui n’est pas habilité à engager durablement le prochain Président élu. Quoique la notion d’affaires courantes n’ait fait l’objet d’aucun texte de loi, elle est délimitée par l’expérience politique et par le droit coutumier. S’agissant d’affaires banales ou en cours comme le laisse entendre ses attributions, Rivo Rakotovao qui n’est pas à proprement parler, un Président par intérim, ne pourra pas prendre des initiatives politiques importantes. Il appartiendra à la HCC de déterminer d’un point de vue normatif « les attributions présidentielles courantes » dévolues au numéro Un de la Chambre haute. Reste à attendre lequel du Premier ministre et du Président du Sénat va saisir la HCC. En tout cas, la Décision du 25 mai 2018 de la HCC prévoit en son article 13 qu’ « En cas de litige dans l’exécution des dispositions de la présente Décision, la Cour de céans statue en dernier ressort ».
Jurisprudence. A l’instar du décret portant convocation des électeurs, ce n’est pas de la compétence du Conseil d’Etat où le renvoi de l’affaire Tabera n’a pas d’effet suspensif sur la démission inévitable ce jour du président candidat. En effet, l’ordonnance 2010-001 du 10 octobre 2010 portant modification de certaines dispositions de la loi organique n°2004-036 du 1er octobre 2004 relative à la Cour Suprême consacre l’immunité juridictionnelle d’un acte de gouvernement. Il y a même une jurisprudence du Conseil d’Etat qui s’était déclaré incompétent dans le recours aux fins de sursis à exécution et d’annulation du décret portant nomination du Premier ministre Jean Ravelonarivo. Un décret pris par Hery Rajaonarimampianina qui voulait faire son beurre du recours de Tabera.
R. O