
Peu d’artistes osent encore sortir un album comme l’a fait Teddy Prezeau avec « Tenim-pitia », dix titres qui chantent l’amour et le quotidien. Pour patienter jusqu’au prochain opus, un petit tour avec ce disque ne sera pas de trop.
Bien que « Tenim-pitia », l’album à dix titres de Teddy Prezeau soit sorti en 2017, il est de bon ton en ces premières chaleurs de l’été d’y revenir. En effet dans sa globalité, cet opus ressemble aux jours d’intersaison. L’équilibre entre le chaud et le froid. Meilleur moment aussi pour aller à la découverte des œuvres d’un jeune musicien, du haut de ses 25 ans. Dès les premières écoutes, l’auditeur sentira cette prégnance du texte. Le chanteur adore apparemment écrire.
Ce n’est pas le genre deux ou trois strophes redondants, racontant un égo surdimensionné ou les mésaventures d’un Casanova des cours de récré. Rien qu’en s’arrêtant sur le titre « Fitadiavana », Teddy Prezeau affirme sa maturité. Ce titre emprunte les mots d’un père à son enfant. Le paternel, sur le point de partir au loin pour trouver de quoi nourrir la famille, demande à sa progéniture de veiller sur le cocon qu’il laissera un temps derrière lui. Rien d’étonnant à ce que ce jeune homme chante déjà un sujet assez profond. Dès ses débuts, il a démontré qu’il voulait sortir des sentiers battus.
Les choses simples. Le thème de la séparation est sans doute banale, très galvaudé dans les variétés. L’artiste raconte dans ce morceau une histoire au lieu de s’arrêter sur les pleurnicheries. Un extrait s’impose. « Je dois partir mon enfant/Soit sage auprès de ta mère/Je dois voyager en ville/Chercher de quoi vivre n’est pas facile/Alors, je dois partir ». Une manière également de rappeler que la transhumance est inscrite dans le gène des malgaches. Le défi que relève ce morceau est d’avoir intégré la thématique dans une instrumentation moderne, en droite ligne de la musique urbaine.
« Fitadiavana » débarque sur une acoustique électronique pianotée servant de trame de fond à tout le titre. Qu’une autre plus organique rejoint dans les refrains. A entendre ce titre, Teddy Prezeau a semblé vouloir donner la part belle à un magnétisme sonore un brin vintage. La basse triturée par Rybota joue à cache à cache. Ne se montrant que sur les quelques infimes moments d’apostrophe sonore. La polyphonie est riche, tempérée, et accroche férocement dans les dernières minutes de la chanson. Il faut tout de même préciser qu’il n’est pas de ceux qui collectionnent les « riddims », ces instrumentaux gratuits disponibles sur Internet. Il a reçu le soutien de quelques musiciens de la capitale.
Ces entrées structurées et minimalistes, cet album en est imprégné. Comme sur « Omen-dalana », un titre crève-cœur où le chanteur crie son amertume d’avoir été plaqué par sa petite chérie. Décidément, cette dernière avait de quoi faire prendre la plume à Teddy Prezeau. Puisqu’elle est revenue dans les bras de son ex laissant son cœur arraché. Suffisant pour écrire des paroles et les mettre en chanson. Extrait. « Même lui s’est étonné de voir tes gestes/Et tu l’as choisi en me délaissant/Je n’ai pas insisté parce que c’est ton choix ». Mélangeant les sonorités funk, ce spectre strident qui accompagne le refrain, et les approches r’n’b de la fin des années ‘90, avec ce son cristallin en cascade.
Collaborateurs solides. Et c’est là toute la force de caractère de cet opus. Tellement les musiciens, Nix, Ralph, Rybota et Jz Rabibisoa approchent de la perfection, alors l’accompagnement est plus martial. Loin de l’accompagnement de meute, tel un travail de miroir entre la personnalité du chanteur et l’ensemble instrumental. Tantôt, on se laisse éblouir par la justesse des arrangements. Tantôt, l’auditeur s’accroche aux paroles. « Fitadiavana » a poussé dans ses retranchements son champ sonore. Pour mieux profiter de l’album, il faut plutôt être disposé à la réflexion. Cependant, les titres « Atmosphera », « Zanahary » ou « Veloma ianao » feraient mentir cette impression.
Ce dernier, retravaillé en duo avec Balita Marvin, est plutôt relâché. Par ailleurs, la richesse polyphonique domine toujours. Preuve que le chanteur est doublé d’un musicien, un très bon même, en pensant à ses prouesses aux percussions. Le titre qui soulève également cet album est « Tenim-pitia ». Cosmique, il réimprime cette ambiance électronique chère à Teddy Prezeau. L’occasion aussi pour le chanteur de démontrer sa puissance vocale en sillonnant avec facilité les basses et les aigues. Les trois minutes quarante de cette chanson passent rapidement. « Tenim-pitia », comme son nom l’indique est un florilège de parole d’amour et de promesse envers l’être aimé.
Avec ces trois chansons, cet album peut déjà se débrouiller. L’ensemble est solide, tandis que l’artiste donne l’impression qu’il pourra encore élargir ses horizons dans les années à venir. Débutant la musique dès son plus jeune âge, il a préféré se lancer sur un rythme qui correspondait à son époque. Il est difficile de placer strictement cet opus dans la catégorie de la musique urbaine. L’auditeur y entendra du jazz, du funk, de la soul et du r’n’b. Des mois après sa parution, il laisse toujours quelques petits mystères.
Maminirina Rado