Tout le monde connaît la chanson « Salakao », peu savent pourtant qu’il appartient à Fanovona Jean Gabin (1977 – 2010) fondateur du groupe Vaovy. On peut dire de ce titre qu’il a servi de phare de la musique traditionnelle du sud de Madagascar.
Bien avant les Njava, les D’gary, les Salala… il y avait Vaovy. Parler des chansons qui font la renommée de cette région sans évoquer « Salakao » est impensable. Cette chanson qui est presque devenue l’hymne d’une région. Derrière laquelle se cache le destin d’un homme exceptionnel et d’un très grand artiste. Ignoré qu’il a déjà tenu des conférences dans les universités prestigieuses du monde entier, que les chaînes de télévision étrangères se disputaient de le rencontrer. Et que c’était un chercheur infatigable sur la musique traditionnelle malgache.
Le fondateur a baigné dans le gospel et les chants liturgiques, bien qu’il vienne d’une région où la musique est une seconde peau. Il est temps de revenir sur son parcours à travers ses chansons. Qui elles, révèlent également sa manière de voir et d’embrasser la société.
« Salakao » – Un amour déçu. Dans le parler Antandroy, « Salakao » signifie dans une traduction libre, « accueillir ». Cette chanson à la ligne mélodique d’une complainte, raconte la crainte d’une jeune femme. Celle-ci ne se plaisait plus de vivre avec son mari et est partie rentrer chez elle. Par peur de la réaction de son père, elle se poste dans les fourrées aux alentours de son village natal et appelle sa mère. « Salakao rao hendry e, Salakao fa mataotse/ Salakao rao hendry e, Salakao fa mataotse te holy », « Viens à moi mère, Viens à moi car j’ai peur/ Viens à moi car j’ai peur, je veux rentrer », annonce la chanson d’entrée. Dans les textes, Fanovona Jean Gabin n’a jamais omis un seul jugement envers cette femme apeurée. Et la voix de la chanteuse Solange qui soutient toute l’émotion de cette chanson. Dans le genre féministe, c’est un morceau qui a déjà eu une avance sur son âge.
« Soa ty manandongo » – L’amitié et l’unité malgache. Cette chanson au titre sans équivoque « Soa ty manandongo » ou littéralement « C’est une bénédiction d’avoir des amis », est un cri rassembleur. Comme un voyageur en quête d’une main amicale, Vaovy sillonne les grandes villes Madagascar. Qu’il soit de Mahajanga, de Fianarantsoa, d’Antsiranana, de Toliara, de Toamasina ou d’Antananarivo, l’ami est toujours le bienvenu. Sans baigner dans une morale pathétique, en quelques paroles sûrs et bien placés, la chanson attire avec ce faux rythme entraînant. La perfection de la composition vocale, la guitare donnant un son vintage…rien de spécial mais la limpidité de la musique de Vaovy fait acquiescer les plus exigeants. La sincérité se traduit avec un arrangement limpide, difficile à retrouver chez d’autres artistes tout style confondu.
Lahimora – Le blues au féminin. Pour retrouver l’idéal masculin chez la femme du groupe humain Antandroy, le titre « Lahimora » peut servir de piste. Cette chanson est chantée par une femme qui est en mal d’amour pour son homme, absent pour une quelconque raison. Alors, la belle se laisse aller. D’abord, le titre dit tout. Sa signification est multiple, Lahimora veut dire un homme doux de caractère, généreux, facile à vivre… Mais les paroles ne s’arrêtent pas là. La chanteuse dévoile tout ce qui lui plaît chez son bien- aimé. D’abord, il porte un « satro- bory », son regard tout chez lui reflète sa douceur d’âme. Après le refrain, tout le blues se ressent. C’est du lourd, puissant vocalement et reflétant toute une manière d’aimer chez les femmes Antandroy. Des amoureuses transies en somme.
« Androy tane milevin-drano » – Un appel à l’aide contre la sécheresse. Il a été sans doute difficile pour Jean Gabin Fanovona de ne pas évoquer sa région natale sans parler de la sécheresse qui y sévit depuis des décennies. Une région qu’il rappelle en des propos pleins de fierté, puisque l’Androy a été l’une des plus résistants à l’invasion coloniale. Morceau qui a la bougeotte, accompagné par un jeu d’accordéon solide sur ses bases. « Androy tane milevin-drano » se traduit par « Androy, la terre où l’eau s’est enterrée ». Le fait est que même aujourd’hui, quand la pluie manque, la région connaît la famine ou le « kere ». Cela concerne des centaines de milliers de personnes dont les femmes et les enfants sont les premières victimes. « Nare Fanjakana minday… Vazoho zareo zahay », dans cet extrait, Vaovy fait appel à l’Etat. Dire que cette chanson dépasse déjà les trente années d’existence.
Maminirina Rado