
Les décès des artistes se succèdent. Dramatiques, quand ils touchent les anciennes gloires, il est temps de faire une petite topographie de la reconnaissance artistique dans le pays.
C’est presque dans l’indifférence générale que le chanteur, crooner des années ’70 et ’80, Albert Ramananjanahary, s’en est allé le 14 décembre. Laissant une chanson mémorable pour le patrimoine musical national, telle « Rondro ». Ce tube, qui est encore repris dans les réunions amicales et familiales est resté sa signature. Cependant, sa disparition interpelle sur la situation des artistes à Madagascar. Qui du jour au lendemain, peut devenir des citoyens de troisième zone quand le succès les a laissés sur le banc. Cette situation est souvent criée par ces derniers, mais les responsables ont en apparence d’autres soucis.
La seule structure qui existe actuellement pour s’occuper de ses stars oubliées reste l’Office Malgache des Droits d’Auteur (OMDA). Haja Ranjarivo, le directeur de cette entité avance : « Le problème des artistes malgaches, des musiciens, c’est qu’ils n’ont pas de structure de soutien. A l’étranger, les chanteurs ont des producteurs, des avocats, des financiers… L’artiste ne gère que la création, les répétitions et tout cet aspect-là ». Ainsi, sans entourage, le chanteur en mal de succès se retrouve très vite isolé. « Par exemple, sans un producteur, il pourra difficilement rebondir », ajoute le directeur de l’OMDA.
Au niveau du ministère de la Culture, le système de reconnaissance, calqué sur le système de mérite comme le chevalier de l’ordre national, peut déjà être considéré comme une initiative louable. Cependant, le statut de chevalier des arts n’a pas les avantages et les attributs d’un chevalier de l’ordre national. Ce dernier impacte sur les salaires et les retraites. L’autre n’est qu’une distinction pour marquer la reconnaissance de la Nation envers l’artiste, un simple titre de prestige. « La vie des artistes est sans pitié, comme on dit, c’est un métier ingrat. Quand on est oublié, sans un effort de relance, il est impossible de refaire surface », signale Haja Ranjarivo.
Le syndicat des artistes a déjà été mis en place depuis des années. Mais le combat semble être encore de longue haleine. Ce ne sera pas encore demain la veille que les chanteurs et chanteuses malgaches pourront vivre décemment, de leur art, sans être richissime. Que ce soit de leur côté ou celui des dirigeants, d’immenses efforts sont encore attendus. Pour les descendants d’Albert Ramananjanahary, ils recevront encore les royalties, sous forme de pension, des chansons de leur père. Le drame est que son décès n’a été rendu public, grâce aux médias, qu’après son enterrement. Les grandes figures de la culture malgache reçoivent souvent des honneurs régionaux ou nationaux. Les moins capés se contentent de la reconnaissance de ses pairs et de ses proches. Les deux catégories d’artistes peuvent parfois tomber dans l’oubli, de leurs fans, mais surtout du système artistique. Sauf le jour de leur décès.
Maminirina Rado