
Dans le paysage musical populaire malgache, le clip est devenu un produit de nécessité, de visibilité et de prestige. Les courants culturels régionaux sont pourtant en constante mutation.
Entre 1960 et 2019, à Madagascar, le discours presque télévisuel des « scopitones » s’est mué en déferlante transnationale des influences africaines et asiates. Le gwetta d’un côté et le K-Pop de l’autre. Le peuple malgache croule sous des images, ces clips qui tiennent désormais le rôle premier dans le succès d’un artiste ou d’un groupe. Quand d’autres chanteurs ou chanteuses en devenir voudraient forcer la donne. En pensant qu’arriver à sortir un clip est un signe sans équivoque de célébrité. Vahömbey Rabearison, artiste et personnage de renommée dans le milieu culturel et audiovisuel malgache, apporte son éclaircissement.
« Le savoir faire a nettement évolué. On arrive maintenant à distinguer, qui de ces réalisateurs vivent vraiment de leur métier. Ils savent raconter en image. Pour comprendre, il suffit de couper le son. Est-ce que les images nous parlent ? Si oui, donc c’est un bon produit. Il en va de même avec la musique, elle doit renvoyer un imaginaire à travers la symphonie et les mélodies. Pas besoin de clip pour cela. Donc, si vous voulez y ajouter une vidéo, il faut faire appel à un vrai cinéaste ». Par rapport à la course à l’image actuel, ce discours risque d’être vite oublié. Le consommateur audiovisuel malgache, noyé dans un quotidien hérissé, préfère la mise en rapport facile et l’intertextualité Trace Music, Mtv et des meilleurs.

L’Afrique comme modèle. Par rapport à ce qui se fait en Afrique où l’équilibre des cultures se définit largement dans les vidéos, surtout dans les pays francophones. En Asie, les vidéos, grâce à une canalisation de plus en plus élargie, sont des vecteurs de connexion communautaire mondialisés. Facebook et les autres réseaux sociaux ont permis des formats spécifiques aux mobiles et à leur plateforme. Madagascar ressemblerait presque à un simple spectateur, qui joue les mimes une fois rentrer à la maison. Sur le continent africain, la prégnance de la culture américaine est désormais incontournable. L’Asie du sud et de l’est commence également à s’insérer dans son paysage audiovisuel, surtout télévisé. Les artistes du continent ont ainsi commencé à reprendre leur danse et leur musique traditionnelle pour ériger un dialogue culturel.
Pourtant à Madagascar et dans les grandes villes, les références à un soi disant identité africaine sont de plus en plus mises en perspective. Dans les grandes villes, le mélange des genres s’intensifie et la perte des repères musicaux s’ensuit. Traduisant un cliché réconforté par le zèle du bon tricheur, qui tend vers le succès de la « racialisation », du genre et de la sexualité qu’un pays comme la Grande Île est encore loin d’assumer visuellement. C’est d’ailleurs comme cela en Occident, où le clip est toujours considéré comme un produit de seconde zone.
La musique populaire est la plus apte à l’utiliser pour divulguer ses messages et faire une hyperbole de leur visibilité. Tovomanana Rabarison, de Maki Production, qui a déjà travaillé avec les meilleurs comme Dadi Love, Black Nadia… donne son avis. « Il y a des artistes qui se consacrent uniquement à l’album audio. Leurs exigences sont très pointues. De ces artistes, il y a ceux qui ont transformé leur approche musicale pour pouvoir produire un clip et atteindre un public plus local. Je parle des artistes traditionnels de renommée. Pour les artistes populaires, le clip sert nécessairement de produit pour obtenir des contrats et pour leur communication ».
Maminirina Rado