
La Guerre de Sécession survenue entre 1861 et 1865 constitue un tournant majeur pour les Etats-Unis. Selon le Pr Mamy Ravelomanana, membre fondateur du CREM (Cercle de Réflexion des Economistes de Madagascar), deux aspects ont été invariablement mis en exergue concernant le conflit.
« En premier lieu, la divergence de point de vue sur l’esclavage qui suggère in fine la question d’égalité des droits et en second lieu la primauté du modèle fédéral (les Etats de l’Union dans le Nord) par rapport à la confédération d’Etats (les Etats Confédérés du Sud) avec en filigrane, la construction des institutions américaines comparée à la construction de l’Europe », a-t-il noté. D’après ses explications, une dernière perspective est occultée, or elle a déterminé le destin des Etats-Unis comme première puissance mondiale : la Guerre Civile américaine a réglé la question de la primauté entre deux modèles économiques. Le Sud agricole mais riche de ses plantations de coton, avec une économie de rente et de “cueillette” s’est opposée au Nord industriel lequel était en retard cependant par rapport à la Grande-Bretagne dont l’industrialisation a commencé dès le milieu du XVIIIe sècle. Que se serait-il passé si le Général Lee avait remporté la Bataille de Gettysburg et que le Sud finalement gagnait la Guerre de Sécession? Pour le Pr Mamy Ravelomanana, il suffit de jeter un coup d’œil un peu plus au sud pour deviner la réponse. Le Pr. Daniel Cohen de l’Ecole Normale de Paris décrivait la fatalité de la mondialisation de la manière suivante: lors du passage du XIXe au XXe siècle, tous les pays riches sont restés riches sauf l’Argentine et les pauvres le sont restés également à l’exception du Japon. L’Argentine a préféré garder ses riches pampas propices à l’agriculture : l’élite du pays, les grands propriétaires terriens, étaient réticents à changer de mode de vie. Le Japon au contraire s’est industrialisé.
Reconfirmé. Un second exemple a été évoqué par le Pr Mamy Ravelomanana pour illustrer l’opposition entre l’industrialisation et les privilèges. Le Pr. Robinson de l’Université de Chicago, de passage à Antananarivo pour présenter son ouvrage “Why Nations fail?” en 2015, citait les deux milliardaires les plus riches de la planète qu’étaient Bill Gates et Carlos Slim ainsi que les origines différentes de leur richesse. Les deux bénéficient d’un quasi-monopole dans leurs domaines respectifs, Windows pour Gates et l’opérateur de télécommunications TelMex pour Slim. Si l’innovation est la source de la richesse dans un cas, dans l’autre, le monopole est une forme d’extraction par le biais de réseaux politiques et de privilèges achetés. Pour Robinson, les institutions économiques (lois sur la concurrence) et politiques (état de droit ce qui signifie absence de privilèges et de clientélisme politique) font la différence.
Direction. « A Madagascar, au moins deux des Velirano vont accélérer l’industrialisation et ainsi empiéter sur des privilèges : la construction d’usines de montage de voitures car les recettes de concessionnaires vont diminuer, surtout si les Administrations sont contraintes d’y acheter leurs voitures et le montage d’usine de panneaux solaires car les importations de fuel pour les centrales seront affectées » a indiqué le membre fondateur du CREM. Dans les régimes autocratiques, le secteur public se nourrit des éléments les moins productifs incapables d’intégrer des entreprises compétitives : les ressources naturelles et l’aide internationale leur sont distribuées pour qu’ils protègent ces régimes. De fait, l’industrialisation, est citée par Robinson comme l’un des facteurs qui favorise le processus démocratique alors que les ressources naturelles et l’aide internationale pérennisent le clientélisme politique des kleptocrates. « La majorité de la population voudrait d’un Madagascar où : ceux qui travaillent, arrivent à vivre décemment, où les chefs de Fokontany assermentés circulent en caméras cachés dans les Administrations pour y chasser la corruption ; où les salaires des fonctionnaires et employés des Etablissements Publics soient publiés comme en Europe du Nord ; où des taxes anti-pollution supplémentaires soient prélevées sur les 4×4 (par exemple 10% de leur valeur par an) et ainsi les routes seront construites; où les Hauts Fonctionnaires de l’Administration et des Etablissements Publics, à partir du rang de Directeur, deviennent des véritables contractuels limogés en cas d’échec comme mise en œuvre du principe de contrat-programme… », a soutenu l’économiste. Cependant, a-t-il évoqué, une minorité, la soi-disant, « élite malgache », de fait des criminels a toujours empêché ce rêve de se réaliser.
Antsa R.