« Imagine cette longue marche que tu dois accomplir
Afin que tes bêtes puissent paître et se rafraîchir
Ces 30 bornes à faire, ces voleurs de bétails
Et leurs kalachnikovs qui tirent sans réfléchir
Imagine Madagascar et ses montagnes d’ordures
Imagine tes 8 ans et tes pieds sans chaussures
Imagine tes mains dans les détritus
Pour un bout de pain mais tu t’y habitues »
Quel ton rageur et en tout pas flatteur pour Madagascar! Ce morceau qui s’intitule «Imagine toi et ferme les yeux » dans le style –arrête toi de te plaindre, il y a plus malheureux que toi-les damnés de la terre » Ces paroles sont du rappeur comorien désormais Marseillais –Soprano- traduisent peut-être ou inconsciemment un relent de rancune tenace envers ces malgaches qui ont perdu la tête, en ces jours de décembre 1976. En deux jours, nous les avons décapités, nous les avons mutilés, brûlé leurs maisons, saccagé leur mosquée, jeté leurs corps dans des fosses sans nom et laissé leurs veuves, nos compatriotes, et des orphelins métis sans parents et ni soutien. Ils étaient combien comme 1000, 2000 ? On ne sait pas exactement, toujours est-il qu’il a fallu recourir à un pont aérien pour les évacuer de Majunga.Le mot de génocide a été même déjà lâché.
Mais ces massacres valent-elles ce « mauvais œil » (mauvais sort ou albadiry ??) persistant au point de durer plus de plus de 40 ans ? Les sécheresses, les « kere », les pauvretés sont ils encore à endurer pour longtemps ? Ou faut-il faire un devoir de mémoire et rappeler aux jeunes générations ce que tes parents ont enduré suite à ce fait déplorable mais réparable d’un excrément essuyé sur un gosse se soulageant dans la cour d’un des tiens ? Ou montrer du doigt ces forces de l’ordre restés passifs et même complices pendant les évènements ? Ou peut-être révéler enfin la théorie du complot ourdie par Ali Soilih de rapatrier tous les comoriens surtout ceux de Majunga jugés grands travailleurs. Ce qui suppose une entente avec les hautes autorités malgaches (camarades de lutte) de l’époque.
Mais sache bonhomme que dans ce monde en crise permanente on jette toujours un dévolu quelconque sur un bouc émissaire et comme par hasard, le choix se portera sur une minorité étrangère d’abord, comme ce fut le cas des comoriens en 1976 à Majunga, malgré leur désignation comme 19ème tribu malgache et surtout une histoire commune à travers les alliances forcées ou non entre les souverains de l’archipel et ceux de la Grande Île.
M.Ranarivao