
Histoire tragique, rappelant ces groupes fameux fauchés dans leur apogée. Tsiakoraka existe encore jusqu’à maintenant, entre le vestige oublié et la tentative de se retrouver. Voici le portrait musical d’une légende.
Trait d’union des années ’70 et des années ’90, le groupe Tsiakoraka s’apparente à un météore étincelant dans le paysage musical malgache. D’un autre côté, ce band fait également penser à l’œil du cyclone. Un point calme, ensoleillé mais fiévreux.
Le pays se réveillait tout juste du séisme des évènements de mai 1972 et de ses soubresauts. Sans penser qu’il allait se diriger vers une autre crise, 1990/1991. Entre temps, des petits lycéens ont réussi à créer une belle chose. Un groupe dénommé Tsiakoraka est « officiellement » né en 1983. En tête, Setra (1994) et Doda (2015), deux gaillards avec un charisme certain.
Laissant derrière lui une kyrielle de titres, Tsiakoraka a légué au patrimoine musical malgache un répertoire riche, digne de ces éternels qui resteront à jamais au firmament. Portrait en chanson où la nuit est un personnage inamovible. La solitude une amie de joie. Le blues un esprit.
En moins de trois minutes, Tsiakoraka a livré avec ce titre un de ses meilleurs morceaux. Simple, vif et sans détour, faisant parfois pensé à du Jim Croce, c’est sûrement grâce à ces qualités que le groupe a imposé, en partie, sa signature. Sans être totalement country, un air de ballade, on perçoit rapidement l’éclectisme dans le style de la bande. Biberonnés, comme les jeunes de leur époque, aux Jimmy Hendrix, Crosby et compagnie, le folk n’était jamais loin. D’ailleurs, la tendance de l’époque faisait de ce style le prisme attitré de tout ce qui se proposait de neuf en matière de création musicale. Tsiakoraka a su aller au-delà de cet horizon pour offrir cette chanson courte avec une poésie homogène et bluesy.
- « Mason’ny alina »
Le temps qui s’évade, les amertumes refoulées, voilà le voile recouvrant « Mason’ny alina ». Des années plus tard, c’était sans doute normal si « Randratelo », fabuleux trio féminin, reprenait ce titre. La nouvelle génération qui s’est mise à apprécier cette reprise ignorait en partie qu’elle venait du cru des Tsiakoraka. Révélant également le lyrisme dont était capable les Setra, Doda et toute la bande. « Ton reflet au regard azur /yeux de la nuit, un puissant ami »… Tout est résumé dans cette rime. Soutenu par un raffinement de ballade country rock, sans le savoir le groupe offrait ici, à sa manière, pour la postérité un morceau « arena rock ». Plutôt précoce pour leur statut de l’époque.
- « Sendra »
Un petit diamant creusé dans le sillon de la solitude, « Sendra » est le nom d’une jeune femme subissant sans rien dire les crocs de la vie. Tellement, que « tous les jours, elle répond, seule comme elle est, aux chants des grillons/Partagée sa joie avec les oiseaux chantants pour passer son temps ». Cette chanson sort au même moment où le libéralisme, avec son individualisme sélectif s’agrippait au quotidien des malgaches. Les marginaux ne trouvaient ni le ralliement des biens pensants ni l’approbation des rebelles mono expressifs. D’où des personnages comme « Sendra » dont l’histoire se retrouve dans d’autres histoires racontées par d’autres bands.
- « Tamboho »
Tsiakoraka a réussi à sortir de l’ombre des Mahaleo et Lôlô sy ny Tariny. Ces deux monstres sacrés du folk, et quelque part de la variété malgache, faisaient la pluie et le beau temps des couloirs et des apprentis musiciens de la capitale. Pourtant, Setra et sa bande chantait déjà ce titre prémonitoire. Puisqu’un jour où l’autre le « Tamboho », lieu de vie des jeunes du quartier, va se dégarnir. Aussi perturbant qu’un doom métal, Tsiakoraka donne l’impression d’avoir expérimenté des décennies et des vies. « Les années ne les laisseront jamais trainer sur ces lieux», entonne la chanson. Tel un au revoir.
Maminirina Rado