
« Alefa Barea » un terme, un slogan, devenu continental. Voilà comment une équipe, considérée comme un boute-en-train par les meilleurs spécialistes du football africain, fait le meilleur coup de poker de cette CAN 2019. Un parcours qui rappelle à quelques égards, celui du « The Eagle », Michael Edwards. Cet Anglais, avec ses grosses lunettes, a participé aux Jeux Olympiques d’hiver de 1988.
Rejeté par son père, raillé par son voisinage, rabroué par ses coéquipiers… comme celui qui allait porter l’opprobre sur la délégation anglaise. En deux sauts à ski, il a battu deux vieux records d’Angleterre dans cette discipline. Il n’a pas remporté de médaille, mais il a réveillé tout un peuple. Eddie « The Eagle » venait d’un petit village, Cheltenham, trapu et complètement myope, il avait toujours rêvé de participer à une épreuve olympique.
Après ses exploits, le mot « The Eagle » et une danse qui s’en suivait ont été repris par tout le pays. En hommage à ce jeune homme tenace et qui a bouleversé le concours. Dans la forme, les « Barea » de Madagascar ont réussi le même exploit. Les Africains ont repris le mot « Alefa ». Au gré des navigations sur les réseaux sociaux, on retrouve des « Alefa Ouganda », « Alefa Congo », « Alefa Algérie »… Un mot devenu le symbole des « Barea ». Qui, par rapport à leur jeu, inspire la ténacité, le don de soi et une fierté pour son pays poussant des milliers de Malgaches dans les rues à chaque victoire, durant cette CAN 2019.
Par ailleurs, voir certaines explications qui suivent ces « Alefa Zaïre », « Alefa Zimbabwe »… rend un peu perplexe. Puisque les autres africains définissent ce mot « Alefa » comme « porte-bonheur » ou « porte chance » pour les Malgaches. C’est un peu reléguer la capacité technique des protégés de Nicolas Dupuis au rang du hasard. Il faudrait tout de même rappeler qu’au haut niveau, le hasard ou la chance n’ont pas de place. Bien qu’Eddie « The Eagle » se présente comme l’image de l’Européen standard sans couture, il s’est entraîné, il a forcé son corps, son mental à s’adapter à la compétition. Au-delà du rêve, il a fignolé sa technique corporelle, sa respiration…

Et les « Barea » ont, peut-être, 0,5 % de chance. Le reste relève du niveau technique qui a pesé sur la balance. Il suffit de les regarder sur le terrain, aucun geste superflu, peu de bavardages, le regard concentré, une humilité palpable en entrant sur le terrain, une présence physique digne des antiques athlètes grecs… Ils assument leur place, comme le ferait un sportif de haut niveau. Le buzz sur ce « Alefa », juste la cerise sur le gâteau, un luxe des 25.000.000 de supporters nationaux. Pour les huitièmes de finale, le repas sera plus consistant. Il serait désolant de voir enfin une réaction à l’encontre du niveau technique des « Barea » en cas de défaite.
Maminirina Rado