Financé à hauteur de 70 millions USD, après avoir remporté le premier prix d’un concours international, le projet de production d’énergie renouvelable de Shysomada risque de ne jamais voir le jour, à cause d’un manque de volonté des dirigeants.
De l’énergie solaire et hydroélectrique à moindre coût. C’est ce que la société Shysomada, fondé par un technicien malagasy, a proposé pour soutenir la production d’électricité de la Jirama. En effet, cette société a déposé une proposition spontanée en février 2019, auprès du Ministère de l’Eau, de l’Energie et des Hydrocarbures (MEEH), et n’a obtenu un accusé de réception qu’au mois de mai. « Ce projet qui devrait être réalisé au sud d’Antsirabe, a été concocté depuis 2006. Mais pour diverses raisons, nous n’avons fait la proposition aux dirigeants que cette année. Nous pensons que c’est le bon moment, car le président Andry Rajoelina ambitionne d’accroître à 1000MW la production d’électricité dans le pays. De plus, nous avons obtenu un financement de notre partenaire Suisse, pour la mise en œuvre de ce projet, consistant au départ à la mise en place d’une centrale photovoltaïque de 20MW et d’une centrale hydroélectrique de 15MW », nous a confié le fondateur de Shysomada.
Moindre coût. Selon les promoteurs du projet, cette production d’énergies renouvelables devrait contribuer à renforcer l’approvisionnement sur le Réseau interconnecté d’Antananarivo (RIA). Si la Jirama a indiqué en septembre dernier, un coût moyen opérationnel de 983 Ariary par kWh, cause de ses ventes à perte, la société Shysomada est prête à vendre sa production à moins de 0,1 USD le kWh, soit environ 368 Ariary. « Ce prix que nous proposons peut encore varier à la baisse et devrait se situer, à terme, entre 0,06 USD à 0,08USD, soit jusqu’à 213 Ariary le kWh. Suivant notre calendrier, notre première livraison aurait pu se faire en novembre 2019. Cependant, le projet ne peut toujours pas commencer jusqu’à aujourd’hui. Nous avons pourtant un financement de 70 millions USD, qui était même à 100 millions USD au départ, grâce à notre partenaire suisse Stucky. Nous pouvons dire que pendant que ce projet ne se fait pas, la Jirama perd 110.000USD tous les mois. Mais on ne comprend toujours pas, pour quelle raison est-ce qu’on ne peut pas commencer. Si les dirigeants ne se décident pas très vite, et que le projet ne démarre pas avant le 10 décembre prochain, nous perdrons ce financement », a noté le fondateur de Shysomada.
Guerre d’intérêt. Mais qu’est-ce qui pourrait donc bloquer ce projet initié par un technicien Malagasy ? Selon les explications, une firme étrangère est apparue soudainement et veut réaliser le projet à la place de Shysomada. « Suite à une discussion avec le MEEH, il a été convenu de mettre en place plusieurs centrales solaires d’une capacité de 5MW, chacune. Le ministre nous a proposé de commencer par deux installations et de voir le reste pour plus tard. Pour nous, ce serait chose facile, car nous avons déjà achevé toutes les études nécessaires depuis des années. Suivant les procédures légales, un affichage a été fait. Quelques heures avant la fin du délai impératif d’affichage, on nous a indiqué qu’une firme étrangère s’est manifestée et affirme avoir concocté un projet pour ce même site, depuis 2016. Et pourtant, Shysomada y est depuis 2006, sans l’avoir remarqué. Aujourd’hui, nous n’avons ni l’autorisation du MEEH pour démarrer le projet, ni le PPA (Power Purchase Agreement) ou Contrat d’achat d’électricité de la Jirama. Ces deux documents sont indispensables pour pouvoir démarrer le projet. On nous oblige maintenant à coopérer avec la firme étrangère. Ce qui est décevant, car en tant que Malagasy qui apporte une solution au problème d’énergie, j’avais espéré le bon geste de nos dirigeants, d’autant plus que le projet peut toujours être réajusté, suivant les besoins exprimés. Des questions se posent. Si résoudre le délestage est si important, pourquoi une telle solution est ignorée par l’Etat ? L’on se demande même si le Chef d’Etat est informé de ce projet et de ce financement déjà accordé », a soutenu le fondateur de Shysomada. D’après lui, aucune facilitation n’est accordée pour favoriser l’entrée des financements dédiés aux projets Malagasy. Certes, une telle situation décourage les initiateurs de projets à Madagascar, surtout les jeunes qui ne peuvent faire du lobbying auprès des membres du Gouvernement.
Antsa R.