A travers une prestation remarquable de l’artiste Rajao, la journée mondiale des toilettes (JMT) célébrée par WaterAid Madagascar à Manjakandriana, lundi dernier, a su démontrer le caractère vital de l’accès à un système d’assainissement aux normes.
Consacrer une journée mondiale aux toilettes ? Si d’aucuns y voient une absurdité, c’est que les enjeux ne leur apparaissent pas évidents. Et pourtant, une toilette n’est pas simplement une toilette. On est en présence d’une structure à caractère sauveteur – dans la mesure où elles constituent une barrière aux déchets humains, propagateurs de maladies parfois mortelles – et protecteur de la dignité humaine. Dans le monde, 4,2 milliards de personnes vivent sans systèmes d’assainissement aux normes. A Madagascar, 19% seulement de la population possèdent des toilettes décentes. Autrement dit, plus de 21 millions de personnes dans le pays défèquent dans la nature ou utilisent des latrines défaillantes. Ainsi, lorsqu’en plein Antananarivo, des quartiers entiers, dans la ville basse ou ailleurs, voient chaque jour leurs canaux d’évacuation d’eaux remplis de déchets humains déversés tôt le matin par les ménages dont les habitations sont dépourvues de toilettes, on peut clairement parler de crise de l’assainissement. La journée mondiale des toilettes est une occasion de s’attaquer au problème.
Géré en toute sécurité. Célébrée le 19 novembre chaque année depuis 2001, la Journée mondiale des toilettes (JMT) est une journée d’actions pour faire face à la crise mondiale de l’assainissement, et contribuer à la réalisation de l’Objectif de développement durable 6 (ODD 6) qui promet l’assainissement pour tous à l’horizon 2030. Pour cette année, cette JMT attire l’attention sur les personnes laissées pour compte en matière d’assainissement. Il s’agit ainsi d’élargir l’accès à des toilettes sûres et à un service d’assainissement géré en toute sécurité. L’accent est mis sur ce dernier volet : « géré en toute sécurité », signifiant l’utilisation d’installations sanitaires hygiéniques qui ne sont pas partagées avec d’autres ménages, et où les excrétas sont séparés des contacts humains et éliminés de manière sûre in situ, ou alors transportés et traités hors site, protégeant ainsi les personnes et l’environnement des agents pathogènes. Les exemples incluent les toilettes à chasse d’eau et vidange connectées aux systèmes d’égout canalisé; fosses septiques ou latrines à fosses; latrines à fosse ventilées améliorées; toilettes à compostage; ou des latrines à fosse avec des couvertures en dalles communément connue à Madagascar comme DSP (Dalle San Plate).
Rajao est dans la place. Water Aid Madagascar, ONG internationale œuvrant dans le domaine de l’eau, assainissement, hygiène, a célébré la JMT 2019 lundi dernier 2 décembre, dans la commune de Manjakandriana, une de ses zones d’intervention. Une journée dont le moment fort était sans doute la prestation de l’artiste Rajao qui a présenté un one-man-show, en parfait maître de la thématique WASH (water, sanitation and hygiene), en particulier l’assainissement et les principaux messages sur la nécessité de contrôler l’éparpillement des excrétas humains. L’artiste, contacté par Water Aid, n’a pas mâché ses mots lorsqu’il fallait faire prendre conscience à tout un chacun un déclic que l’usage de toilette n’est pas l’affaire des riches. Ses mots et expressions interpellateurs, voire alarmants s’adressaient à toute la communauté, aisée ou les plus démunies. Le tout, savamment agrémenté d’humour, tout en menant une véritable sensibilisation en appelant un chat un chat. Aussi, si des mots comme « tay », « amany » ou « mangery» font partie d’un langage que l’on qualifierait de gênant, ces mots ont meublé toutes les animations. Certains froncent les sourcils tandis que d’autres commencent à capter le message et se rendent compte que, tout ceci est tout sauf une blague !
365 grammes par an ! La prestation-choc de Rajao a certes estomaqué certains, mais elle a surtout conscientisé d’autres, lorsqu’il a signifié aux participants venus à la célébration que chacun d’eux « aurait ingurgité au moins 365 grammes de selles par an car une mouche aura transporté un gramme de défécation humaine non stockée dans une latrine » et parvenu jusqu’aux aliments ingérés par les humains. Un calcul bien démonstratif pour amener les uns et les autres à se rendre compte d’une situation bien réelle quand l’assainissement fait défaut.
Outre la prestation fort remarquée de Rajao, des concours de poèmes et des chants folkloriques ont également eu lieu sur place, toujours sur la même thématique. De même, des stands ont montré les diverses technologies disponibles sur place. L’équipe de Ezaka Vaovao, partenaire d’exécution de Water Aid dans la commune de Manjakandriana assure les interventions sur terrain, et apporte les appuis techniques nécessaires pour les trois années à venir. Des activités de suivi et évaluation de ces actions de sensibilisation et des interventions menées et financées par Water Aid sont prévues chaque semestre, et en évalueront les impacts positifs sur le plan social et économique.
Hanitra R.