
Madagascar a fait un pas en avant dans le processus d’émergence, selon les explications de l’économiste Dr Rado Ratobisaona. Cependant, il a cité plusieurs imperfections qui restent à corriger dans la politique économique actuelle. Interview.
Midi Madagasikara (MM). Il y a un an passé, vous avez souligné la faisabilité technique de l’émergence économique de Madagascar. 12 mois se sont écoulés. Que pensez-vous de l’évolution actuelle ?
Dr Rado Ratobisaona (RR). Madagascar a eu une bonne note du FMI (Fonds Monétaire International) dans l’exécution du Programme économique. Beaucoup d’initiatives pour le changement sont en cours et semblent afficher des résultats prometteurs. Du côté de l’opposition, on parle de trompe l’œil. Dans tous les cas, nous pouvons remarquer la volonté politique tant attendue par les techniciens malgaches depuis des décennies. Bref, nous avons avancé d’un pas, mais qu’en est-il de la suite ? La question qui se pose actuellement concerne la capacité de soutien de la structure de base du Plan Emergence de Madagascar (PEM). Plus précisément, il faut se demander si la base de données statistiques utilisée est de qualité, si les ressources humaines mobilisées sont adéquates, si les ressources financières sont profitables par rapport aux objectifs fixés… Certes, une émergence socioéconomique nécessite une bonne base. En outre, pour que le processus puisse avancer dans le bon sens et dans le bon timing, il faut l’adhésion citoyenne et la responsabilisation du peuple. Mais pour cela, les dirigeants doivent être transparents sur les opportunités qui se présentent et sur les choix des projets priorisés.
MM.Les projets en vue sont nombreux, quels sont les priorités pour atteindre rapidement l’émergence ?
- N’oublions pas qu’une émergence socioéconomique exige avant tout, une intensification de la création de richesses qui devraient être distribuées équitablement. Cela exige des projets à rendement d’échelle croissant. Pour l’Etat, les premières obligations consistent à mettre à disposition les infrastructures nécessaires si l’on ne cite que les routes, à assurer la sécurité publique, l’accès à l’énergie et aux nouvelles technologies, etc.
MM.Quel aperçu pourrait-on avoir pour cette année 2020 ?
RR.Si l’on parle de politique économique, la loi de finances 2020 affiche des objectifs ambitieux pour un pays qui vise l’émergence. D’un point de vue technique, il existe certaines incompatibilités entre ces différents objectifs et les mesures appliquées. On peut citer par exemple l’objectif de maîtriser l’inflation et la hausse des salaires de 13%. Pour cette année, on ambitionne également de devenir un pays à revenu intermédiaire, alors que le taux de croissance prévu reste modeste, et la valeur de l’Ariary ne présente aucun signe de stabilité par rapport aux monnaies de référence. Par ailleurs, on parle beaucoup de réduction de pauvreté, alors qu’il n’y a pas d’incitation à la production industrielle et agricole. En bref, on constate des stratégies paradoxales pour cette année 2020, qui pourraient, au meilleur des cas, nous maintenir au statu quo. Si l’on schématise, aucun chirurgien ne fait une opération sans faire un diagnostic et une analyse approfondie. Tous les pays qui se sont développés ont mis en œuvre des stratégies élaborées minutieusement basées sur des calculs de haute précision. Chaque décision prise doit être fondée sur des relations causales entre les objectifs fixés et les moyens choisis, mais non plus sur des effets d’annonce politique qui nous ont toujours conduit dans des situations catastrophiques.
Recueillis par Antsa R.