Mon cas n’est sûrement pas isolé de ceux de mes collègues d’aujourd’hui. Combien en restera-t-il dans le prochain gouvernement si le remaniement s’avère vraiment incontournable ? Que de questions qui nous torturent l’esprit.
D’abord, pourquoi suis-je là ? Comment, par quel truchement ai-je été choisi et nommé ? Que m’a-t-on vraiment demandé de faire ? Qu’ai-je accompli ? Ai-je accompli ma mission ? Oui ou non, mais que puis-je dire – si me le permet-on encore – pour me défendre ?
Puis, quels sont les facteurs que je ne maîtrise pas, qui jouent en ma défaveur ? Que ou qui me reste-t-il comme appui ?
Enfin, quelles sont mes chances de rester ? Et après, que vais-je devenir ?
Ces interrogations me tourmentent jour et nuit ; et comme tout rationnel, je vais essayer d’y répondre, car comme on dit, problème bien posé est à moitié résolu.
Primo, je ne suis pas parmi les compagnons de lutte du cercle fermé du président. À priori, c’est un handicap, mais qui sait ? N’a-t’il pas prôné l’ouverture ? En plus, je n’ai pas derrière moi un lobby qui me soutient. Mon cas est donc plié, mais pour avoir les coudées franches, n’est- ce pas une aubaine pour lui ? Et d’ailleurs, il sait que je lui suis fidèle, et mon adhésion à sa seule personne est indéfectible, donc j’ai peut-être une chance…
Il m’a demandé de faire ceci et cela, mais en cours de route, j’ai dû jouer le pompier de service pour autre chose, en a-t-il conscience ? À mon avis, je pense que j’ai fait de mon mieux pour accomplir ma mission ; et les indicateurs de performance plaident en ma faveur, mais… ?
Secundo, certains esprits malfaisants ont fait courir par ouï-dire ou par voie de presse des informations qui me sont négatives sur ce que je fais, sur ce que je suis, sur mon ministère, et même sur ma famille. Mais advienne que pourra ! Mon cas n’est de toute façon pas unique. Une fois ou deux, on m’a publiquement reproché des choses sur des sujets anodins, mais je n’ai pas fermement publié avec la même véhémence la vérité. Et d’ailleurs, à ma connaissance, il n’y a pas eu de suite en haut lieu, donc je me considère comme lavé de tout soupçon, ou au moins absous si faute il y a eu.
Enfin, je n’ai pas d’appui et je suis contre toute forme d’appel de recommandation de telle ou telle personnalité. Bien sûr, j’en ai touché mot à des influents parmi le personnel du ministère. Bien sûr, on m’a poussé à discuter de cette affaire avec un très proche du président qui a ses entrées, même chez lui, mais sans trop de conviction. Je m’en remets donc au bon Dieu et non à des « ombiasy » comme d’autres. Alea jacta est, comme on dit. J’espère seulement qu’on ne me dise pas au téléphone : « Le président ne souhaite pas que vous participiez au conseil des ministres ».
M. Ranarivao