Dans la jolie cité des Fleurs, Majunga, les vacances sentent bon le soleil, la mer et les brochettes. Majunga reste l’une des villes les plus prisées des vacanciers. Une période qui, chaque année, fait le grand bonheur des opérateurs touristiques locaux. Paradoxalement, Majunga souffre d’un intérêt plutôt moyen quant aux touristes internationaux, qui se tournent plus souvent vers la région Nord de l’île. Et pourtant, Majunga a bien plus que le soleil et la mer à offrir. Cette ville renferme des lieux historiques, un patrimoine aussi connu que la Dame de Fer à Paris, et jouit d’une cohabitation pacifique entre les peuples de différentes religions. Visite guidée dans cette ville qui cache un véritable patrimoine.
Une bâtisse signée « Eiffel » en pleine ville
Dans la ville de Majunga, non loin du fameux « bord », se cache derrière des maisons modernes, un vrai trésor. Une grande bâtisse laissée en abandon, recouverte de plantes grimpantes qui semblent vouloir la protéger de toute attaque externe, raconte une belle histoire. Cette maison coloniale, aujourd’hui habitée par quelques familles, est fragile. Son architecture rappelle ces constructions coloniales sous les tropiques, où chaque détail est peaufiné. Elle a deux étages, chacun avec une petite véranda, longeant tous les logements. Deux escaliers en métal joliment sculptés mènent vers les étages. Aujourd’hui rosies par la rouille, ces barres de fer semblent fragiles. On n’a presque pas envie de les monter, tant le poids du corps pourrait les faire craquer. A première vue, il ne s’agit pas d’une villa, ni d’un pied à terre d’un quelconque « Monsieur » anobli fuyant le froid de l’hiver européen. En réalité, il s’agit du foyer des militaires français du temps de la colonisation. Et cette bâtisse a été construite par le bureau d’architecture de Gustave Eiffel, celui-là même qui a construit la Tour Eiffel à Paris.
Malheureusement, cachée derrière des maisons modernes, et totalement laissée à l’abandon, on a du mal à la remarquer. Ce véritable patrimoine qui pourrait faire la fierté de la ville, et même du pays, n’est pas mise en valeur. Pour la trouver, et même connaître son histoire, il faut un guide touristique, et lui demander ce petit tour. Les guides locaux ne sont pas avares de mots, et sont même très affectés par l’état de la bâtisse. Car seuls les locataires actuels s’occupent un peu de la rendre encore habitable, vu que visiblement, ils ne peuvent pas faire plus. Ce genre de patrimoine, ailleurs dans les pays où la culture tient une place importante dans le développement du pays, aurait été réhabilité, tout en respectant tous les matériaux de la maison, et en gardant son architecture d’origine, pour qu’elle puisse demeurer un patrimoine historique.
D’ailleurs, cette bâtisse n’est pas la seule construction faite par les bureaux de Gustave Eiffel à Madagascar. Il y a aussi le pont Kamoro, qui a d’ailleurs été laissé tel quel, afin de ne pas dénaturer ce patrimoine. Il y a aussi le phare de Katsepy ainsi que le Bazar Be. Autant de patrimoines de l’histoire qui pourraient valoriser le tourisme majungais, car trop peu connaissent ces histoires.
Gustave Eiffel a commencé la construction de la Tour Eiffel en janvier 1887. La Dame de Fer, qui compte 18 000 pièces assemblées par 2,5 millions de rivets, a été achevée au bout de 26 mois. Elle trône aujourd’hui à Paris et fait la fierté de toute une Nation. Gustave Eiffel a construit d’autres monuments historiques: en 1882, il conçoit avec son équipe la structure de la statue de la Liberté de New York. ll a également construit le viaduc de Porto, en 1876 au Portugal.
Cohabitation religieuse pacifique
Une des singularités de la ville de Majunga est sa multitude de peuples d’origines diverses, mais surtout de diverses religions, qui vivent et cohabitent en toute sérénité. Dans l’ouvrage “Les Comoriens à Majunga. Histoire, migrations, émeutes”, Etudes océan indien, n°38-39, 2007, l’auteur souligne même que « Dans les années soixante, Majunga est, avec 30 000 Comoriens, la première ville comorienne au monde ». Ce passage de l’histoire explique sans doute l’influence très présente de la culture comorienne dans la ville de Majunga. Non loin de la mairie, dans le quartier de Mahabibo, se dresse la grande mosquée comorienne, longtemps destinée aux ressortissants comoriens, et interdite aux femmes. Aujourd’hui, elle est ouverte à tous les pratiquants musulmans, mais ne comporte toujours pas de salle de prière pour les femmes. Ces dernières, pour leurs prières, peuvent aller à la mosquée du Zoma (ou mosquée du vendredi), qui accueille les hommes et les femmes, mais dans des salles de prière séparées. Une bonne partie de la population majungaise est musulmane, ce qui explique le peu d’endroit où l’on cuisine du porc dans la ville. Mais cela n’empêche pas la cohabitation avec les chrétiens.
La grande cathédrale qui trône en ville, non loin des bureaux de la poste, montre l’engouement et la ferveur du christianisme dans cette ville. La pose de la première pierre de cette cathédrale s’est faite durant la deuxième guerre mondiale. Depuis, elle accueille les pratiquants catholiques, et se démarque par sa messe en français tous les samedis après-midi. Son architecture qui domine la ville reflète également sa richesse, en terme de patrimoine historique. Outre cette grande cathédrale, d’autres églises chrétiennes accueillent les chrétiens dans les divers quartiers de la ville.
Des chrétiens qui sont parfois divisés entre la religion chrétienne et les traditions coutumières, car beaucoup de Malgaches restent des animistes. Il n’est pas rare, à Majunga comme dans d’autres régions de Madagascar, de rencontrer des fervents animistes qui vouent le culte de la nature et des ancêtres. A Majunga, le Fanompoambe est le plus grand rendez-vous des animistes qui pratiquent cette culture et religion coutumière. Il s’agit de la cérémonie du bain des Reliques Royales des Sakalava du Boina, dont celles du roi Andriamisara. Selon ces croyances, les ancêtres, dont le Roi Andriamisara, sont considérés comme les intercesseurs entre Dieu et les hommes, et vénérés comme tels. Durant cette cérémonie, les reliques sont baignées dans le sang de zébus spécialement choisis. Elles ne regagneront leur place qu’après avoir fait sept fois le tour du lieu sacré. Après cette grande cérémonie, et lorsqu’il n’y a aucun incident, les pratiquants peuvent demander et amener leurs offrandes auprès des Doany satellites. Les Doany sont des lieux sacrés, souvent des grands arbres qui peuvent durer des siècles, et se reconnaissent par des toiles en rouge et en blanc qui enlace le tronc de l’arbre. Ces lieux hautement sacrés sont respectés par les populations.
Un tourisme d’affaires qui se développe
Si le pic d’affluence se fait durant les vacances scolaires, notamment les grandes vacances, les opérateurs touristiques de la ville de Majunga se démènent pour que les touristes se ruent vers eux durant les autres mois de l’année. Ainsi, depuis quelques temps, les opérateurs hôteliers se tournent vers un nouveau business, le tourisme d’affaire. En effet, quoi de plus motivant que de se réunir sous le soleil, ou de manger des fruits de mer frais en pause déjeuner. Aujourd’hui, les opérateurs touristiques ajoutent à leurs cartes cette nouvelle option, qui semble plaire à plus d’un. Eric Petitjean, co-gérant de l’hôtel 3 étoiles Coco Lodge, explique. « Avec nos suites et nos chambres, et surtout grâce à notre Chef qui a créé une carte variée allant du plat malagasy aux spécialités françaises, en passant par la cuisine libanaise, nous avons mis en place une nouvelle offre que nous adressons particulièrement aux entreprises et aux organismes internationaux. Il s’agit d’une organisation de conférences avec des prestations clés en main, où nous proposons des salles équipées avec vidéo-projecteur, internet très haut débit permettant de faire des conf-call internationaux, et des pensions complètes incluant les pauses-café et les pauses-déjeuners. Cette nouvelle activité a le vent en poupe, car nous veillons à ce que les participants ne manquent de rien. Avec la piscine pour la détente et les chambres où internet est accessible à tout moment et partout, nous leur donnant la possibilité de travailler tout en profitant du bleu de la piscine et du soleil. Aujourd’hui, pas mal d’ONGs et d’entreprises réservent nos chambres et nos services pour leurs conférences ». Un moyen donc d’attirer de la clientèle durant les basses saisons où la ville reste calme et silencieuse. « En plus de ces conférences clés en main, nous continuons à proposer des piques-niques et des visites de sites touristiques à nos clients. Avec la mise en place de notre tour opérateur, nous nous faisons un plaisir de faire découvrir les trésors de la région. Et cela, avec nos chauffeurs guides », continue-t-il. Majunga a effectivement beaucoup à offrir, et les opérateurs touristiques doivent sans cesse proposer de nouvelles idées pour attirer les touristes, vacanciers ou missionnaires.
Le transport s’aligne sur ces impératifs de qualité
Ce tourisme qui se tourne petit à petit, mais à grands pas, vers les organismes et entreprises qui effectuent leurs ateliers et conférences vers Mahajanga, est une opportunité que les opérateurs touristiques ont saisi. Si côté accueil les hôteliers s’adaptent, côté logistique et transport, on s’y met aussi. Riche de ses 18 années d’expérience, Eric Razafy Maitra, gérant de MalagasyCar, y met tous ses efforts pour répondre à une demande en constante augmentation. « Notre vision a été d’offrir des prestations entre le taxi-brousse et les services dans les avions. Et cela semble avoir été adopté par les clients, car ils ont adoré, et nos chiffres ont augmenté au fil des années. Il y a les étrangers, mais aussi, et de plus en plus, des employés de grandes entreprises, d’ONGs et de clients qui ont des activités sur Mahajanga ont fait confiance en nous », explique-t-il. En quelques années, cette clientèle s’est développée, et elle permet à l’entreprise de maintenir ses bénéfices, car désormais, en pleine saison de vacances, où les vacanciers sont les principales cibles de ces entreprises de transport, comme en basse saison, les véhicules sont pleins tous les jours. « La qualité est notre maître-mot. Offrir une prestation de qualité et être ponctuel dans les horaires, c’est très important », dit-il. « A cela s’ajoute la location de voiture, à Tana comme à Mahajanga », ajoute-t-il, une prestation utile sinon essentielle pour ces employés d’entreprises et d’ONGs qui préfèrent la Cité des Fleurs pour tous ces services qu’elle offre.
Dossier réalisé par Anjara Rasoanaivo