6 h 30. Port de Mahajanga, un matin de mai 2014. L’« Atsantsa » accueille à son bord des passagers pas comme les autres : un groupe de journalistes malgaches, mauriciens, comoriens et seychellois, venus pour une journée à bord de ce navire de surveillance des pêches en haute mer, vivre de l’intérieur le quotidien des inspecteurs des pêches en mission… et faire abstraction du mal de mer !
Pirogues de pêcheurs artisans, bateaux de pêche en haute mer, boutres, toutes ces embarcations peuvent à tout moment être contrôlées en mer par les inspecteurs de pêche. Ce jour-là, « La Mérite », un boutre venant de Vilamatsà, à l’ouest de Mahajanga, est la première embarcation contrôlée par les inspecteurs de pêche : permis de navigation, rôle d’équipage, contrôle d’identité des passagers et inspection de la cale. L’équipage s’y soumet sans problème et après un feu vert des inspecteurs, « La Mérite » continue sa « route ». Le second navire contrôlé ne semble pas être aussi coopératif : les manœuvres de l’Atsantsa qui lui signifient de s’arrêter sont ignorées par l’équipage, tout comme les plusieurs appels radio lancés par l’inspecteur de pêche. Après une dizaine de minutes d’insistance de ce dernier, le chalutier décide enfin de s’arrêter. L’inspecteur ne semble pas surpris par l’attitude de l’équipage. « Les navires commandés par des asiatiques usent souvent, pour ne pas dire toujours, de la barrière des langues pour faire semblant de ne rien comprendre. Mais nous sommes habitués à ce genre de comportement qui mérite des avertissements à l’endroit du capitaine », explique l’inspecteur Lalaina Randrianjaka, chargé de contrôler ce chalutier. Celui-ci est effectivement commandé par un Chinois. Une fois à bord, les visiteurs vont de surprises en surprises. Avant que l’inspecteur ne monte à bord, il y a du mouvement du côté des matelots. Mal à l’aise, l’équipage se soumet, toutefois, sans problème au contrôle : papiers relatifs à la navigation et aux activités de pêche, contrôle de la cale et mesure des filets : les mailles ne doivent pas mesurer moins de 5cm. Tout semble en règle. Les matelots profitent, cependant, de l’occasion pour témoigner auprès des journalistes de leurs conditions de travail. Le contrat avec les employeurs chinois est signé en blanc et le montant de la paie dépend du bon vouloir des employeurs. Pour leur dernière mission de plus de 55 jours en mer, ces employés n’ont touché que Ar 120.000 ! Mais ils continuent de travailler dans ces mêmes conditions. Des laissés-pour-compte, en somme.
Effacement des frontières. Cette journée en mer n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de responsabilités des patrouilleurs. L’initiative de les faire découvrir aux médias de la région Océan Indien, vient du programme Smartfish, mis en œuvre par la Commission de l’Océan Indien. Dans le cadre du programme régional de surveillance des pêches (PRSP), en effet, la lutte contre les pêches illicites et le respect des réglementations sont l’essentiel des missions des patrouilleurs des mers. Depuis sept ans maintenant, 5 pays de la zone Océan Indien ont ainsi effacé les frontières et agissent ensemble dans la zone économique exclusive (ZEE). L’ « Atsantsa » fait partie des trois bateaux de patrouille malgaches sur les 5 en activité dans la zone. A sa tête, le commandant Mamy Dieudonné Rakotomanga qui compte 6 patrouilles conjointes à son actif depuis sa prise de fonction fin mai 2013. A ce jour, 37 patrouilles conjointes incluant des inspecteurs de diverses nationalités, ont pu être effectuées ; 310 inspecteurs en mer et plus de 400 bateaux de pêche contrôlés, dont 10 ont été arrêtés. Quarante activités illégales ont été reportées.
Hanitra R.
