
Aujourd’hui, évoquer la mer, c’est par rapport à des terres en « au-delà ». Pourtant, dans l’histoire malgache, la vaste étendue salée a largement contribué à la formation du peuple malgache.
La mer et le peuplement malgache : une relation dans un vécu séculaire et intime, une froide distance aux temps modernes à travers les arts… À l’époque « folk » des années ’70 et ’80, l’étendue azur se représente plutôt en ogre rapace, preneur de vie de l’homme en tant que pilier familial et communautaire. « Lemena », chanson du groupe folklorique Ifanihy, « Benoro », celle de Lôlô sy ny tariny, « Ranomasina », chantée par Voanio, « Vazon’ny Tantsambo », de Mr Razafy… toutes ces chansons voudraient bien que la mer se justifie. Qu’elle ne soit une simple présence avec ses jolies plages, ses poissons rassasiants et ses mystères oniriques capables d’alimenter les contes.
L’histoire humaine malgache a pourtant laissé un groupe de population, les Vezo, être témoin d’un « adn » maritime des malgaches. Venus de l’Asie du sud-est, vers – 2 500 avant J.C, les « premiers futurs malgaches » se sont plutôt tournés vers l’ouest, l’Océan Indien. Tandis que d’autres se sont tournés vers le Pacifique. Prouvant cet itinéraire, les tests génétiques ont réussi à prouver l’existence d’« un vieux motif polynésien », entre les Vezo et les nobles du groupe humain Merina. Il est donc presque permis de dire que tous les malgaches ont ce quelque chose d’Indianocéanie.
A l’époque moderne, ce rapport du Malgache avec la mer a été justement résumé par Emilson Daniel Andriamalala (1918 – 1979). En 1938 sortit « Ranomasina », dans lequel l’illustre écrivain invectivant, « tamin’izany no nanozonako ny ranomasina, dia ny ranomasina manodidina ny tanindrazako, izay ampitoviako laharana amin’ny fonja… ». Dans sa colère envers ses contemporains, sa verve vénale était dirigée contre leurs indifférences envers les enjeux du monde. A son époque, il souhaitait déjà que les malgaches exploitent cette grande fenêtre qu’est la mer. Pour trouver une trace plus ancienne de ce rapport à la mer, les proverbes en diront sans doute plus.
Cependant, la sagesse proverbiale malgache affectionne plutôt le fluvial. « Manao lian-dranomasina : mandeha, fa mbola ho avy », traduit par « Désirer à la façon de la mer : elle s’en va, mais elle reviendra », récolté en 1931, insiste sur le caractère physique de l’étendue salée. Ou encore « Tsara lanitra ka raha ranomasina » (1965), revient également sur la correspondance colorimétrique entre le ciel et la mer. Toujours est-il que ce sont plutôt les fleuves, les cours d’eau, les rivières, les sources… qui constituent la richesse de l’oralité malgache par rapport à l’eau.
Maminirina Rado