Le rejet par les sénateurs de l’ordonnance sur le recouvrement des avoirs illicites inscrite dans le projet de loi 002/2020 est mal vu par les organismes en charge de la lutte contre la corruption. Anosikely est accusé de bloquer la mise en place des dispositifs de lutte contre la corruption.
Les sénateurs déçoivent les organismes en charge de la lutte contre la corruption, notamment le Conseil supérieur de l’intégrité, le bureau indépendant anti-corruption, le service de renseignements financiers et le pôle anti-corruption. Anosikely a rejeté, mardi dernier, le projet de loi n°002/2020 portant ratification, entre autres, de l’ordonnance n°2019-015 relative au recouvrement des avoirs illicites. Cette ordonnance, pourtant, constitue, selon ces organismes, une pièce maîtresse dans le dispositif à mettre en place pour lutter contre la corruption dans le pays. Après ce rejet du Sénat, les dirigeants de ces organismes, qui affirment dans la foulée que « la ratification de cette ordonnance est dans l’intérêt supérieur de la nation », ont soutenu devant la presse, hier au siège du Conseil supérieur de l’intégrité, que cet acte fait reculer la lutte contre la corruption dans le pays. Une accusation qui discrédite davantage cette chambre du Parlement déjà en mauvaise posture après la révélation de son président, mardi dernier, sur la tentative de corruption orchestrée par certains sénateurs qui veulent, semble-t-il, les têtes des membres du bureau permanent.
Manque de volonté. Jusqu’à présent, l’entrée en vigueur de cette ordonnance reste en sursis. Alors qu’elle permettra, selon la présidente du Conseil supérieur de l’intégrité, Sahondra Rabenarivo, la mise en place de l’agence de recouvrement des avoirs illicites. Cette agence constituera le cinquième élément du dispositif mis en place pour lutter contre la corruption aux côtés du Conseil supérieur de l’intégrité, du bureau indépendant anti-corruption, du service de renseignements financiers ainsi que du pôle anti-corruption. Ces derniers sont déjà opérationnels mais attendent la création de la nouvelle agence pour que « la procédure ne soit pas handicapée », soutient la coordinatrice nationale du pôle anti-corruption, Harimahefa Ratiaraisoa. En effet, l’ordonnance en question a pour objectif de « récupérer les produits de la corruption tout en préservant les biens acquis honnêtement avec comme garanties l’enquête définitive, la décision de justice, la saisie ou gel conservatoire ainsi que la restitution en cas d’acquittement », a-t-on toujours souligné. Ce rejet témoigne alors le « manque de volonté des politiques » à lutter contre la corruption, soutient le directeur général du service de renseignements financiers, Lamina Boto Tsara Dia, lors cette rencontre avec la presse, hier. Pourtant, selon toujours ce dernier, « tout le monde est sur le même pied d’égalité devant la loi et la lutte contre la corruption ne distingue aucune obédience politique ». Cette lutte a fait tomber des têtes, et pas des moindres, ces derniers temps. Et on promet de mener le combat plus loin encore.
Sanctions. Les organismes de lutte contre la corruption veulent ainsi que l’ordonnance entre en vigueur à l’issue de la session extraordinaire du Parlement qui prendra fin dimanche prochain. Dans le cas contraire, des sanctions pourront tomber des instances internationales, notamment du Groupe d’actions financières internationales et des Nations unies, car « Madagascar sera évalué suivant des efforts entrepris dans le cadre de la lutte contre la corruption », a indiqué Sahondra Rabenarivo. Une évaluation qui interviendra en avril et juin prochain, et l’effectivité de l’agence de recouvrement des avoirs illicites sera un critère important. Aussi, selon toujours cette dernière, les partenaires techniques et financiers, comme le programme des Nations unies pour le développement, l’Union européenne, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international vont conditionner leurs appuis par rapport à la finalisation de la mise en place des dispositifs de lutte contre la corruption. « Les secteurs éducation et santé pourront, en effet, être impactés », a-t-elle mis en garde. Le pays risque gros en cas de rejet définitif de cette ordonnance, ont laissé entendre les ténors du quartet de la lutte contre la corruption. Mais ils ne perdent pas espoir car « il est encore possible de ratifier cette ordonnance pendant cette session extraordinaire par un nouveau vote de l’Assemblée nationale », a soutenu Sahondra Rabenarivo.
Rija R.