Le gouvernement envisage le remplacement du code minier au cours de la prochaine session parlementaire en juin 2020. Le processus est déjà engagé par le Comité de pilotage.
Mais l’idée ne fait pas l’unanimité du côté de certains économistes qui estiment qu’il n’y a pour le moment, pas urgence quant à ce changement. A l’instar de Hugues Rajaonson, économiste bien connu et professeur des universités, qui estime qu’il ne faut pas du tout verser dans la précipitation si l’on veut avoir un bon code minier capable de porter la filière mine dans son rôle de moteur du développement.
La charrue avant les boeufs
Pour lui, la manière avec laquelle le gouvernement procède pour l’élaboration du nouveau code minier n’est autre qu’une façon de mettre la charrue avant les bœufs. « Si l’on veut obtenir une bonne loi, il faut prendre le temps de réfléchir car l’essentiel n’est pas de changer pour changer, mais de doter les pays d’un code minier qui puisse produire les effets attendus souhaitables et profitables au profit de toutes les générations », explique-t-il. Convaincu du fait que le secteur minier est appelé à jouer un rôle décisif dans le développement économique de Madagascar, Hugues Rajaonson estime qu’il est du devoir de tout le monde, à commencer par les dirigeants, de respecter le standard de la vraie gouvernance des ressources minières. «Il faut, avant toute chose, commencer par une réflexion générale sur la politique minière en tenant en compte du développement du secteur, de la manière avec laquelle on peut concrétiser l’optimisation de l’exploitation de nos stocks de ressources minières. Il faut également déterminer avec quels investisseurs locaux ou étrangers, on va exploiter les ressources minières », précise -t-il. Une manière d’expliquer que « ce n’est qu’après ce genre de réflexion profonde qu’on peut élaborer une loi qui nous permettrait d’atteindre l’objectif de développement soutenable et inclusif tiré du secteur minier »
Changements fréquents
Hugues Rajaonson dénonce, par ailleurs, les changements fréquents des législations minières à Madagascar. « Je doute que ces changements fréquents soient bénéfiques pour le pays. Il y a déjà eu une tentative, il y a cinq ans et voilà qu’on veut recommencer de nouveau. Une telle fréquence devient un message dissuasif pour les investisseurs sérieux, et c’est dommage car cela devient trop incertain pour eux » Bref pour lui, il est plus que jamais indispensable que l’on suive « la voie normale » et que l’on se donne le temps requis si on veut que l’économie malagasy tire profit de la croissance obtenue par l’ l’optimisation de toutes les grandes composantes de valorisation des stocks de ressources minières à savoir : les activités d’exploration,d’exploitation, de transport des produits, de transformation et de valorisation des produits bruts.
Moyens
Pour atteindre de tels objectifs, Hugues Rajaonson estime que la simple volonté politique est une condition nécessaire mais pas suffisante. « Le gouvernement ne doit pas lésiner sur les moyens humains, institutionnels, matériels, financiers, politiques, sociaux, technologiques, non seulement pour les mines mais aussi pour gérer les effets externes des activités tout au long des différentes composantes des filières sur les autres secteurs d’activités ». Dans le processus d’élaboration d’un code minier, on doit également tenir compte du potentiel du marché des produits bruts à l’échelle mondial. Il ne faut également pas négliger l’importance de la valorisation des produits par le biais de la transformation des matières premières obtenues lors de l’exploitation d’une mine. Beaucoup de paramètres à considérer en somme et qui font que « le changement du code minier ne doit pas être fait dans la précipitation ». « Il faut déterminer des enjeux et des objectifs cohérents et réunir les moyens avant de voir après s’il faut nécessairement changer les règles et les structures ». Par ailleurs,
« l’Élaboration d’une loi minière pérenne est un exercice complexe puisque les enjeux sont complexes. On peut citer entre autres, les enjeux environnementaux (biodiversité, changement climatique, qualité de l’eau, qualité de l’air, …) ; les enjeux sociaux (emplois, déplacement de village et/ou de familles, migrations,) ; les enjeux économiques : balance des paiements, taux de change, réserves de devises, chômages, investissements, crédits, taux d’intérêt, impôts et taxes, déficits publics, profits, demande de travail, salaires, offre de travail, consommation, épargne, innovations, substitutions Capital – Travail, productivité, compétitivité des produits et des entreprises.
Recueillis par R.Edmond.