La covid-19 n’a pas généré qu’une catastrophe sanitaire. Cette pandémie a durement affecté l’économie mondiale, et en particulier le marché du pétrole.
Alors que le monde entier est en pleine bataille face à la propagation de la pandémie du coronavirus, les économistes et analystes financiers mettent en exergue la crise profonde causée par l’effondrement sans précédent du prix du baril de pétrole. Le jeune groupe Think Tank Oil and Gas Madagascar nous livre son point de vue sur la situation et les perspectives du secteur amont pétrolier. Déjà, il faudrait dire que des tensions géopolitiques avaient fragilisé vers fin 2019 le marché du pétrole et concouru à une chute des prix du baril, selon ce groupe composé de différents professionnels du secteur du pétrole en amont. Les cours du pétrole se sont considérablement effondrés depuis le 9 mars dernier, et ce, malgré la tentative de conclusion d’un accord entre les pays exportateurs de pétrole (OPEP) afin de réduire la production et maintenir les prix du brut. Le 31 mars, le baril de pétrole s’est échangé à moins de 10 dollars sur les principaux marchés nord-américains. C’est le plus bas niveau du brut en 18 ans dans la région, selon l’Agence Ecofin. La réunion des pays membres de l’OPEP et non-OPEP du 6 mars à Bruxelles fut un échec car les participants représentants de ces pays n’arrivaient pas à s’entendre sur une stratégie commune, et le prix du brut s’est davantage effondré. Les analystes prévoient un choc pétrolier dans les quatre ou cinq ans à venir.

Défavorable aux investissements. Une baisse du prix du pétrole sur le marché international constitue à priori une bonne nouvelle pour les pays importateurs, car elle leur permet de réduire le montant de leurs dépenses énergétiques. Mais la réalité est toute autre. D’une part, cette baisse de prix sur le marché international est le corollaire immédiat d’une diminution considérable de la demande globale causée par le ralentissement – voire l’arrêt- des activités économiques et le confinement généralisé dans presque tous les pays du monde. D’autre part, dans de telles conjonctures, ces baisses ne se répercuteront pas sur le prix à la pompe et sur les utilisateurs finaux à des fins de stabilisation macro-économique, ainsi que par interventionnisme dans les pays importateurs. Dans le cas du confinement généralisé, l’effet favorable sur la consommation et la croissance au niveau mondial ne s’applique plus puisque la consommation baisse également, quoique de manière temporaire, mais pour une durée indéterminée. A l’inverse, les pays exportateurs de pétrole voient leurs recettes et leurs perspectives de croissance diminuer. Dans ce même registre, une baisse de prix continuelle mettrait en péril non seulement le secteur amont mais aussi le secteur parapétrolier, qui est tributaire des opérations d’exploration et de production. Le pétrole peu coûteux réduirait, voire annulerait l’intérêt et la rentabilité des investissements pour la production et l’utilisation des alternatives de sources d’énergie. Les impacts de cette situation ne sont pas négligeables pour les pays africains, producteurs ou non producteurs de pétrole, pour lesquels début 2020, les perspectives dévoilaient pourtant une nouvelle décennie riche en promesses pour le pétrole et le gaz africain. En effet, il se pourrait que des compagnies reportent leurs décisions finales d’investissements dans des projets d’exploration et de production de pétrole ou de gaz. D’autres suspendraient leurs projets, ou réduiraient drastiquement leurs dépenses d’investissements ou leurs effectifs, et des compagnies productrices fermeraient vraisemblablement des puits. Le 31 mars 2020, le groupe de consultants Wood Mackenzie a publié un rapport d’études du marché pétrolier qui présume que l’effondrement des prix du pétrole et la pandémie de coronavirus ont obligé le secteur amont pétrolier africain de réduire ses dépenses d’investissement d’environ 33% cette année.
Cas de Madagascar. En ce qui concerne le secteur amont pétrolier, Madagascar dispose des bassins sédimentaires qui sont en grande partie sous-explorés et qui ont une chance raisonnable de trouver des hydrocarbures productifs, confortée par les récentes découvertes de gaz au Mozambique et dans d’autres pays de l’Afrique de l’Est et du Sud. Mais, selon le Think Tank Oil and Gas Madagascar, la Grande île n’a pas pu profiter jusqu’à ce jour de l’existence de réserves prouvées de grès bitumineux et d’huile lourde. Madagascar n’a pas pu attirer de nouveaux investissements pour l’exploration tangible du pétrole conventionnel, a raté à plusieurs reprises les opportunités d’investissements et, de cette manière, n’a pas pu permettre le développement d’autres acteurs locaux liés directement et indirectement aux activités du pétrole amont. Nul ne peut prédire quand la pandémie aura totalement fini de sévir, ni comment le déconfinement et la reprise des activités vont se produire. En revanche, une chose est sûre : les économies de tous les pays subissent les répercussions de cette pandémie comme dans la théorie des dominos, et ses conséquences seront néfastes pour les pays développés et encore pires pour les pays non développés. Les économistes de l’OCDE présagent une grave crise si l’épidémie s’aggrave ou continue de sévir durant les prochains mois, étant donné que le pic de la pandémie est encore à venir dans certains pays.
Impuissance. Madagascar est aussi en plein confinement, mais pour combien de jours encore ? Cette crise se terminera bien un moment ou un autre. La question qui taraude est la suivante : à la fin de la crise, le pays se réveillera-t-il assommé par les préjudices économiques et sociaux en tout genre, ou y aura-t-il une planification de solutions ou de réponses coordonnées pour y faire face ? Quoi qu’il en soit, une sortie de cette crise se prépare pour mieux réussir la croissance socio-économique. Madagascar prépare un plan de mitigation pour d’abord sauvegarder son tissu industriel et ensuite relancer son économie par l’injection de capitaux. On peut augurer une relance effective si les capitaux qui seront nouvellement injectés serviront d’investissements en actifs réels. Dans le cas contraire, s’ils ne serviront qu’à essuyer les pertes subies, qu’à payer les arriérés de fonctionnement et à renflouer les caisses, la relance tant espérée sera périlleuse. On peut admettre que Madagascar, comme tant d’autres pays africains, est impuissant face au bouleversement du marché du pétrole. Dans ce contexte, il y a lieu de faire un long regard rétrospectif sur le contexte « pays » en général, et sur le secteur « amont pétrolier » en particulier, tout en sachant que les investissements se décident à travers des raisonnements perspectifs. Au milieu de toutes les perspectives réjouissantes de l’Initiative pour l’Emergence de Madagascar, quelle place le pouvoir actuel donnera-t-il à ce secteur amont pétrolier pour le redressement économique ? Comment Madagascar se positionnera-t-il, dans le nouvel ordre pétrolier mondial ?
Nouveau Code attendu. Le secteur amont pétrolier de Madagascar connaît déjà une baisse de ses activités et un atermoiement de son développement depuis ces cinq dernières années. La crise sanitaire actuelle risque de porter un coup fatal à ce secteur déjà en souffrance. Depuis 2015, les autorités malgaches cogitaient sur la révision du Code pétrolier, car selon le ministre chargé des Ressources stratégiques d’antan, nombre des dispositions relatives au secteur amont pétrolier sont erronées et ne sont plus conformes aux normes. Il avait même déclaré dans les médias que tous les éléments nécessaires pour la réalisation des réformes du Code pétrolier étaient réunis. En ce temps-là, le processus d’élaboration du nouveau Code a été déclenché et les parties prenantes ont été consultées. Mais par la suite, le processus a été abandonné – ou mis en stand-by ? – pour des raisons non exprimées. Le Code pétrolier demeure ainsi tel qu’il est, sans révision aucune, en 2020, au milieu d’une crise mondiale sans précédent. Faudrait-il rappeler que dans un contexte de sortie de crise, la concurrence sera intensifiée quelle que soit la vitesse de la reprise. Dans ce contexte, les investisseurs rechercheront les activités qui leur assureront un niveau de performance optimal, dans les pays les plus attractifs garantissant le moins de risques pour leurs investissements. Après la crise sanitaire, une solution miracle n’existera pas pour remédier efficacement et rapidement aux effets de la crise pétrolière ; les rebonds seront liés aux annonces de soutiens économiques, et un retour à la normale est possible, sous plusieurs conditions.
Attirer les investissements. A la fin de cette pandémie, l’objectif principal de tout gouvernement sera la relance de l’économie. Dans cette perspective, la restauration de la confiance des investisseurs dans tous les secteurs serait primordiale, selon le Think Tank Oil and Gas Madagascar. En matière de secteur amont pétrolier, celui-ci préconise également de prendre une série de mesures pour identifier de nouvelles opportunités de développement et d’accès à de nouvelles ressources, et renforcer les compétences nationales afin de mieux gérer les grands projets. D’après les explications, une gestion plus innovante du capital humain s’impose pour répondre aux nouvelles réalités économiques. Le document stratégie de l’Initiative pour l’Emergence de Madagascar mentionne que le secteur des hydrocarbures est l’un des secteurs les plus susceptibles de contribuer considérablement à l’émergence du pays par un fort potentiel de levier économique. Si la reprise des activités pétrolières sera lente après la crise, cela donnera l’occasion pour Madagascar de revoir et de restructurer le cadre institutionnel et le cadre légal du secteur amont pétrolier, pour instaurer effectivement les principes de bonne gouvernance et de gestion efficace. Pour le Think Tank Oil and Gas Madagascar, ce sera la seule et unique façon de redonner confiance aux investisseurs potentiels, et de relancer ainsi l’industrie pétrolière de ce pays. Il est temps de s’y mettre.
Recueillis par Antsa R.