
Brassage culturel, on a déjà entendu cela maintes fois dans les rues des grandes villes malagasy. Une expression qui ne quitte pas les bouches des jeunes depuis ces dernières décennies. L’art malagasy souvent jugé comme « art de l’aéroport » se combine avec celui de « modernité » et engendre un art hybride, l’art contemporain. Bon nombre d’artistes malagasy s’y mettent. Et c’est le cas de Tsinjoriake.
La plupart de ses œuvres se trouvent gravées sur les murs de la capitale. Cette année, il veut mettre la barre un peu plus haute. Il prévoit de faire une installation qui mélange ses différents travaux. Il représentera aussi Madagascar dans un ouvrage collectif qui sortira à la fin de l’année. « Le livre présentera le graffiti africain », a-t-il fait savoir.
Artiste multidisciplinaire, Tsinjoriake pratique la musique, la peinture, la photo, la vidéo et la sculpture ou encore le graffiti. Ses œuvres sont tous inspirés de la recherche sur l’identité. La tradition malagasy est le thème principal de son art. Le fait d’avoir grandi à l’étranger lui a poussé à étudier et à creuser l’us-et-coutume malagasy en général, mais également à poser la question de l’identité en elle- même. « Ce sont les questions que tous les expatriés se posent je pense. D’où je viens? Quel est mon identité? Mes parents étaient nostalgiques de l’île , ils m’ont transmis cet amour de Madagascar, j’ai ensuite commencé mes recherches ». Le graffiti et tout le mouvement hip- hop prennent sa source dans les arts traditionnels, ils sont une réponse à leur environnement de la même manière que la sculpture et la peinture traditionnelle sont une réponse à leur environnement. Les recherches de l’artiste l’ont poussé à étudier les différents langages symboliques de la Grande Ile, notamment l’iconographie, les coiffures, les langues, les coutumes, Tsinjoriake essaye de les retranscrire dans son art.
Les couleurs comme expression. Sur ses toiles comme dans sa musique, Tsinjoriake laisse place au rythme et l’improvisation. Ce « peintre-graffeur » essaye de créer une atmosphère qui renvoie le spectateur vers lui- même de la même manière que ses œuvres lui renvoient vers lui-même. Il utilise des couleurs pour décrire des symboles, « olomanga », « hazomanga ». En effet, chez les malagasy, les couleurs ont une signification qui ne sont pas forcément les mêmes que la conception occidentale. Le bleu est une couleur qui implique le sacré, la sagesse… Le rouge est plus une couleur royale, elle implique le pouvoir, alors que le vert est la couleur de la santé, la vie. Quant au jaune, il est plus une couleur « néfaste », elle indique la maladie.
Tsinjoriake a vu deux mondes et vécu deux cultures, la France où il a vécu depuis son enfance et Madagascar, la terre de ses ancêtres. L’artiste a su brasser la modernité et la tradition.
Iss Heridiny