
Une baisse considérable de la consommation a été enregistrée par les producteurs de produits d’élevage et d’agriculture, durant la période de confinement partiel. Les pêcheurs les plus éloignés des villes sont également touchés par la crise.
Les salariés et les entreprises ne sont pas les seules victimes des impacts socio-économiques de la pandémie de Covid-19. Une enquête réalisée par le réseau Mihari a révélé un ralentissement, voire un arrêt total de certaines activités productives dans les régions Atsinanana, Analamanga et Haute Matsiatra, les plus touchées par les mesures de confinement. « Les entrées et les sorties ont été limitées. Diverses activités ont été affectées par cette contrainte. Le secteur de la pêche n’a pas été épargné. Les communautés de pêcheurs travaillant avec Mihari ont déclaré qu’elles sont en difficulté. Nous avons recueilli les témoignages de quelques pêcheurs qui se sont exprimés à cœur ouvert », ont affirmé les membres du réseau.
Arrêt des activités. Si les producteurs de poulet de chair ont été contraints de vendre leurs productions à perte, les pêcheurs ont tout simplement été obligés d’arrêter leurs activités. C’est le cas d’Amode, pêcheur à Antanambe à Mananara Nord, qui figure parmi les membres témoins du réseau Mihari. « La mer me fait vivre : elle me donne de la nourriture et me fait gagner de l’argent. Je vends tout aux collecteurs qui sont intéressés par mes poissons, sans distinction d’espèces : thon, perroquet, maquereau, poulpe, etc. Ils arrivent de Soanierana Ivongo (à trois heures de bateau) ou de Maroantsetra (à cinq heures de bateau). De temps en temps, ma femme et moi faisons des poissons salés-séchés destinés à la vente locale et à l’alimentation, en prévision des périodes où la pêche n’est pas favorable, quand les vents sont violents. C’est en écoutant la radio que j’ai appris que le pays est en état d’urgence sanitaire. Cela m’a fait un choc. Je ne peux plus pécher à cause du couvre-feu. Et les collecteurs de produits de mer ne viennent plus. J’ai dû mettre mes activités de pêcheur entre parenthèses », a-t-il confié. Heureusement, Amode cultive également des girofliers et du riz pour assurer la survie de sa famille.
Chute des prix. Un autre pêcheur, Freddy Velondraza, président régional de Mihari, basé à Maintimbato Maroantsetra, poursuit ses activités de pêche, mais juste pour l’alimentation familiale. « Depuis que la crise dure, je reste chez moi à contempler la mer. Je sais que je ne pourrais plus y aller tous les jours, avant un certain temps. Désormais, je ne prends que ce que moi et ma famille avons besoin pour la nourriture et je vends le reste, s’il y en a. Vendre n’est plus aussi intéressant. Les prix ont chuté, un lot de poissons vendu auparavant à 10 000 ariary ne coûte guère que 5 000 ariary aujourd’hui. Les mareyeurs ont également cessé leurs activités », a-t-il expliqué. En effet, d’autres pêcheurs sur le littoral Est ont suivi ce même changement d’habitude à cause de la chute des prix. D’après eux, la pêche est surtout productive la nuit, alors que le couvre-feu les empêche d’aller en mer.
Survie. Par ailleurs, le réseau Mihari a également noté d’importants impacts au niveau de l’écologie. Dans les zones de pêche destinées à une bonne gestion, la biodiversité paie le prix fort. « Faute de contrôle, les pêcheurs utilisent les engins de pêche non réglementaires tels les moustiquaires. D’autres membres du Fokonolona se hasardent même en mer pour puiser dans ce qui est censé être “ un bien commun ” et s’en sortent indemnes, puisque seuls les pêcheurs sont soumis aux réglementations locales – Les dina », a expliqué le réseau. En outre, l’arrivée massive de migrants pour exploiter les mangroves, pour en faire du charbon de bois a été constatée dans la Baie d’Ampasindava, Ambanja. Pour chaque acteur, il est question de survie. Enquêtées par le réseau Mihari, 67% des communautés de pêcheurs souhaitent avoir des dons de PPN et de vivres. Seulement 32% préfèrent demander la redynamisation de la filière pêche. 27% choisissent plutôt un appui technico-financier et 19% un appui sanitaire. Bref, ces indicateurs confirment que même les communautés très éloignées des villes ont du mal à survivre à la crise de la pandémie de Covid-19.
Antsa R.