
L’explosion des cas positifs des personnes atteintes du coronavirus ces derniers jours conduit le gouvernement à confiner de nouveau la région Analamanga, laquelle a déjà repris, pourtant, il y a quelques semaines le cours normal de son rythme quotidien comme dans bien d’autres localités. L’horizon de la fin prétendue de la lutte contre la pandémie s’éloigne. Le père jésuite, Prospère Ratovomananarivo, livre ses points de vue à Midi Madagasikara.
Midi Madagasikara : L’Etat vient de prolonger pour la huitième fois l’état d’urgence sanitaire. A votre avis, la pandémie est-elle réellement maîtrisée dans le pays ?
Père Ratovomananarivo : Malgré la volonté de nos gouvernants de se montrer optimistes par rapport à la lutte menée contre la pandémie, la réalité du terrain montre que la maladie court dans tous les coins de la ville, à travers les rues de la Capitale. Comme partout ailleurs dans le monde, il est encore difficile de prétendre à même de maîtriser la pandémie. Ici comme ailleurs, le nombres des cas, et parfois des cas graves ne cesse d’augmenter. On ne compte plus les contaminations non déclarées et non contrôlées. Il faut dire que nous sommes maintenant en plein temps de guerre. Ça va être rude si nous minimisons l’ampleur des dégâts.
Midi Madagasikara : Il y a quelques semaines, l’Etat a procédé au déconfinement dans plusieurs grandes villes et maintient certaines restrictions pour endiguer la propagation du virus. Puis, à partir d’aujourd’hui, la région Analamanga est reconfinée. Qu’en pensez-vous ?
Père Ratovomananarivo : L’incertitude face à la propagation de cette maladie laisse les gens perplexes. Les mesures prises par les responsables manifestent aussi tant de contradictions. Procéder au déconfinement sans donner des directives pratiques claires pour apprendre à vivre avec la pandémie est un risque pour la propagation rapide de la maladie. Il faut vraiment se préparer à des mesures drastiques de prises en charge, sans quoi, nous risquons de sombrer dans des situations chaotiques. Nous voyons ces derniers jours que les hôpitaux sont complètement débordés et saturés ! Sérieusement !que faut-il faire ?
Midi Madagasikara : Pourquoi d’après vous la plupart des écoles catholiques restent toujours fermées même depuis que le gouvernement a affirmé que les classes d’examen peuvent reprendre ?
Père Ratovomananarivo : Ce n’est pas, je pense, une volonté de contredire les décisions du gouvernement, c’est tout simplement une question pratique. Chaque responsable évalue les risques et l’enjeu, et prend les décisions en conséquence. Mais d’après ce que je vois, la majorité a respecté les consignes. Si certaines n’ont pas encore ouvert leurs portes, c’est que le risque pèse.
Midi Madagasikara : Comment appréciez-vous la gestion du gouvernement de la crise sanitaire ? Si on peut le dire en un mot, est-ce une réussite ou un échec ?
Père Ratovomananarivo : Est-ce trop de dire que jusqu’à présent, la gestion de cette crise est trop politique. Cela rend les choses floues, confuses. On ne sait plus quelles sont les priorités pour les responsables.
Midi Madagasikara : La loi de finances rectificative vient d’être adoptée, et donne une certaine visibilité sur le programme sur le court terme du gouvernement. A votre avis, les mesures mises place par le gouvernement sont-elles suffisantes pour relancer l’économie dévastée par la crise ?
Père Ratovomananarivo : Nous vivons aujourd’hui une situation inédite, du jamais vu. La crise sanitaire devient une crise généralisée. Comment faire face à cette crise générale ? Les mesures prises ne doivent pas se limiter à des questions purement économiques et même financières. Il faut penser à des changements fondamentaux et à des transformations profondes. L’économie en tant que système est durement touchée. La question doit être considérée dans sa complexité. En analysant la politique du gouvernement telle qu’elle se présente dans la LFR, on ne pense pas encore à la relance économique. On comble d’abord le manque à gagner; on cherche à supporter les charges supplémentaires liées au Covid-19; on attend les soutiens des partenaires pour l’appui budgétaire, en plus il faut encore redresser les effets des inondations… le gouvernement a des charges et des charges à supporter, des manques à combler. Peut-on parler de relance économique ? Même dans une situation normale, le pays a du mal à trouver un équilibre budgétaire, pour ne pas dire, tout est toujours rouge et déficitaire. La situation que nous connaissons aujourd’hui ne se règle plus par des injections de l’argent. Quelles que soient les mesures prises, le pays va connaître une période assez longue de déficit. Raisonner en termes de croissance ne suffit plus.
Recueillis par Rija R.