
Si le « Horija » est roi sur les terres du groupe humain Betsileo, Prosper Razafimandimby en est la mémoire. Il accorde un entretien pour revenir sur son périple depuis Befeta jusqu’à Tripoli. Quand la tradition emmène aux larges.
Vous faites partie d’une « génération dorée » de la musique malagasy, pouvez–vous résumer votre parcours musical ?
Je suis né le 18 décembre 1957 à Befeta Ambohimahasoa. Prosper Razafimandimby, connu à Fianarantsoa sous l’appellation Raprôsy, j’ai commencé à jouer vers 1972 des instruments traditionnels « Betsileo ». Mon destin était de devenir un laboureur et non un bureaucrate. J’ai arrêté l’école en classe de septième, mais j’ai persévéré dans le « kabôsy » et d’autres instruments. En fait, c’est un héritage, un don… Apprendre à jouer de la musique a été très naturel pour moi et, plus tard, j’ai pu créer des titres. Actuellement, je joue du « lokanga », du « jejy voatavo », du « sodina », du « kabôsy »… Jusqu’à maintenant, j’œuvre encore dans la musique, comme avec le groupe Oladad par exemple. J’ai mon propre groupe « Raprôsy », tout en apposant aussi ma signature dans d’autres formations.
Est-ce que vous avez eu des références et des repères pendant vos apprentissages ?
Je me souviens de feu Randalana, de feu Marcel un natif de Nasandratrony. Ce sont des aînés et maîtres/joueurs, nous avons ensuite joué ensemble. Jean Emilien a été aussi un grand précurseur. Nous sommes probablement trois ou quatre, venus de Fianarantsoa, à avoir pu emmener notre musique à l’étranger. J’ai aussi eu l’opportunité de visiter toutes les régions de Madagascar, avec mes collaborations avec d’autres groupes comme Oladad.
Vous ne vous êtes pas cantonné dans votre terroir, vous vous êtes ouvert au monde. Et vous avez vu d’autres horizons…
J’ai suivi une formation à la Galerie Six Analakely en 1994, du temps de Tsilavina Ralaindimby. Grâce à celle-ci, j’ai pu sortir aux Seychelles. Il y a eu une sélection et nous étions assez nombreux, entre autres, Benja Gasy, Seta, Fanaiky, Tombo Daniel de Toamasina… J’ai reçu une attestation, un représentant étatique seychellois est venu assister à nos ateliers. J’ai beaucoup voyagé, comme le festival « Créole » aux Seychelles, « Gasikara maitso volo » en 1995, à Tripoli en 2010. Il ne faut jamais oublier le traditionnel puisqu’il peut nous mener plus loin. Mais je peux accompagner les instruments « lourds », les instruments modernes donc.
Le « Horija » a-t-il un lien avec le « jejy voatavo » ?
Parce que le « Horija Betsileo » est né grâce à l’accompagnement du « jejy voatavo », parce qu’avant, le « Rija » était accompagné de battements de mains, de « kidodo »… Un jour, quelqu’un s’est demandé pourquoi ne pas utiliser cet instrument, et c’est de cette manière qu’est apparu le « Horija ».
Est-ce que son histoire remonte à l’époque d’avant la colonisation ? Et comment cela a évolué ?
Bien sûr. Le Horija a déjà existé du temps des « Ntaolo ». Je me souviens de mon père qui jouait déjà du « jejy voatavo ». Il jouait avec des cordages en raphia, l’instrument comportait trois cordes. Et ça sonnait bien déjà. Ensuite, les câbles des freins des bicyclettes ont été utilisés pour en faire des cordes. Après, sont apparus les Horija à quatre cordes, ensuite six. Comme je suis artisan/menuisier, après une formation, j’ai pu fabriquer des instruments. Et maintenant, je joue avec un « jejy voatavo » à huit cordes. Même le « lokanga », à l’époque en 1995, nous en jouions un à quatre cordes, maintenant à cinq cordes. Avec le « kabôsy », on peut aller jusqu’à huit cordes, mais celui à six cordes est plus conventionnel. Erick Manana va d’ailleurs m’envoyer des jeux de cordes après son passage à Fianarantsoa, nous avons joué ensemble.
Recueillis par Iss Herdiny