Dans un coin discret d’une ruelle menant chez moi, j’ai surpris un jeune couple (peut-être de 16 ou 17 ans) en train de se bécoter goulûment et sensuellement, je les ai rabroués vertement en leur disant : « Vous ne vous rendez pas compte du danger auquel vous risquez ! Allez oust !» et je tremblais encore de colère en rentrant. Quelques minutes après, apaisé, je me suis dit : « Les pauvres, les malheureux, ils ont dû avoir la plus grande peur de leur vie, après mon engueulade ». S’il savait que mon emportement à leur égard n’est pas dû à un quelconque attentat à la pudeur mais conditionné par ces mesures de barrières sanitaires, je n’ai pu me retenir de les voir enlacés sans masque ni distanciation sociale. Pardon les amoureux, vous n’avez fait que ce qu’il y a de plus naturel au monde, ne pas freiner les pulsions amoureuses.
Il faut dire, que chargé de faire les courses, il m’incombe d’aller au-devant de toutes les petites boutiques du quartier et chaque fois et systématiquement, je suis ulcéré par les autres clients qui sans vergogne viennent me coller même me devancer, alors que toujours, j’attends sagement mon tour à ce fameux mètre de distance, et j’ai beau tout le temps râler mais vainement. En plus, les commerçants, tout heureux, peut-être, d’avoir des clients ne disent rien malgré le « attendez à 1 m ».
Inscrit sur un bout de carton bien en vue. Devenu acariâtre, je l’avoue, ces boutiquiers me regardent maintenant de travers en murmurant sûrement : « Voilà encore le grincheux qui gâche mes affaires ! », il faut dire que, de colère, je ne mâche pas les mots, style : « Faut-il qu’on ramasse par brouettes les cadavres, pour que vous vous rendiez compte du danger que nous vivons actuellement ! » Mais tous les jours, rien n’évolue et les mêmes scènes se répètent.
Je ne dois pas être le seul dans ce cas, alors que faire ? Ne fréquenter que les grandes surfaces où pourtant tout le monde semble obéir aux règles d’usage ? Peut-être qu’il est vrai que le réflexe d’ancien colonisé (soixante ans après l’indépendance et majoritairement le Malgache n’a pas connu la colonisation!!) nous colle encore à la peau, il est vrai que nous sommes comme des moutons quand l’ordre vient même indirectement d’un « vazaha ». Ne rien dire, ce que beaucoup font ne rime à rien, du moins pour moi qui ai usé mes fonds de culotte pendant des années à l’école. Et même si cent fois je me remets sur l’enclume, je le ferai encore. Un ami, fonctionnaire de l’Unicef m’a dit un jour : La santé, l’économie… ou tous les discours sur le développement ne servent à rien car à la base de tout il y a l’éducation. Il me revient à l’esprit la citation qui suit que les politiques de tous bords devraient méditer :
« Si vous voulez détruire un pays ennemi, inutile de lui faire une guerre sanglante
qui pourrait durer des décennies et coûter cher en pertes humaines.
Il suffit de lui détruire son système d’éducation et d’y généraliser la corruption.
Ensuite, il faut attendre vingt ans, et vous aurez un pays constitué d’ignorants et dirigé par des voleurs. » dixit un sage chinois.
M.Ranarivao