
Alors qu’on attendra à un retour à la normale après presque 5 mois de crise, Constant Raveloson, figure reconnue de la scène politique, livre ses analyses. Interview exclusive.
Midi Madagasikara : Le gouvernement vient d’être retouché et fait émerger de nouvelles têtes pour renforcer une équipe déjà à l’œuvre et réaliser le programme du président de la République. Quel crédit donneriez-vous à cette nouvelle formation?
Constant Raveloson : La langue de bois dirait: « attendre (encore!) et voir (quoi?). « Équipe déjà en œuvre »dites-vous. Parlons d’abord de l’œuvre en question et puis de la « nouvelle formation ».
Le chef de l’Etat a donc arbitré dans un conflit interne à cette équipe. « Sur proposition du Premier ministre » comme dit la Constitution. Renforcer donc l’équipe à la ministre de la Culture, au détriment de l’initiative de celui de la Santé. L’organisation de cette équipe « renforcée » hérite de lacunes conceptuelles de la précédente. C’est apparemment congénital pour ce régime. Renforcer quoi à l’Éducation ? Je vous épargne les scandales successifs. Car les ministres précédentes ont oublié « excellence » et maturité. Le chef de l’Etat leur aurait-il juste donné un chèque en blanc ? La nouvelle ministre est du sérail. Quelle analyse concrète de la situation concrète nous sortira-t-elle, et quelle stratégie concrète ici et maintenant ? Une décentralisation restée dans les serres du ministère de l’intérieur.Avec la nomination de Gouverneurs, nouveaux seigneurs par Faritra: la décentralisation est loin, très loin. La République n’est pas plus proche. Et ne me dites pas que c’est « transitoire » car les chefs de régions étaient déjà là … « provisoirement ». Et ajoutez cette histoire de « Loharano » versus Fokontany. Scandale anti-républicain entre autres. Formation professionnelle séparée quand même de l’Education nationale (enfin! Depuis le temps que nous l’avons personnellement décrié). Mais toujours séparée de l’Emploi, sa raison d’être. Lequel Emploi reste en appendice à un ministère chargé des normes du Travail et du suivi des agents de l’Etat. Double non-sens. Statu quo ante pour la Culture et la Communication. L’énorme besoin de concepts solides (et de connaissances, disons-le) de ce qu’est la culture et de ce qu’est une communication d’Etat, et de ce qu’est une stratégie dans ces domaines, la renaissance de la Nation étant présupposée.
C’étaient des exemples. Déclinons dans les autres départements. C’est un tout, l’Etat.
Midi Madagasikara : L’opposition, qui affirme être victime de différentes formes de répression, envisage de se manifester dès que le déconfinement total sera décrété. Qu’en pensez-vous?
Constant Raveloson : Les occasions et formes de manifs n’ont pas manqué. C’est une question de créativité, de capacité à se proposer des alternatives mobilisatrices aux citoyens. Seulement si on ne raisonne qu’en termes de « midina an-dalambe » avec l’escalade qu’on espère entraîner avec… Toujours cette conception monarchique d’un pouvoir intégral à s’approprier. Dommage… le terme « mpanohitra » est jusqu’à présent réduit à l’idée étriquée de « contre » (on disait « parti contre »). Offre de contrat citoyen et proposition alternative ne se confinent pas. A chaque offre sa forme de mobilisation et de manifestation. Est-il à craindre qu’une « opposition de sa majesté » style 1ère République ressuscite?
Midi Madagasikara : Quel bilan donneriez-vous au régime concernant la gestion de la crise sanitaire?
Constant Raveloson : Je me place en observateur, sans chercher à ces profondes analyses comme il en pleut. C’est très très spectacle. Et très très politisé. Personnalisation, improvisation et bricolage prenaient le pas sur la volonté de maîtrise technique. Vous ajoutez le comportement d’un président qui troque le rôle de chef d’État contre celui de Vrp-Cvo ou Vrp-Gasy Car (avec marché public octroyé d’avance). Que dire de plus ? Peut-être ces parades de gros véhicules militaires avec gros armements… qui poussent à s’interroger sur l’entrée en scène de l’armée dans la prise en charge. Mais ce sera trop long. Pour une fois le camp qui se dit d’opposition a mêlé sa voix sans trop tarder à l’exigence de transparence concernant les aides. Alors mon bilan sera un bilan républicain : La République reste à édifier.
Recueillis par Rija R.