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vendredi, juin 27, 2025
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Lu pour vous : « Le chant de nos filles » de Deb Spera

Deb Spera signe là son premier roman et nous offre une histoire envoûtante et percutante. Les personnalités de Gertrude, Retta et Annie vont longtemps rester dans nos mémoires.

Trois femmes, trois milieux sociaux différents, trois destins liés. Au fil de ces 390 pages, nous allons faire la connaissance de Gertie, de Retta, la bonne noire et d’Alice Coles. Ce roman choral donne la parole à ces trois femmes. Chaque chapitre est à l’image de celle à qui la parole est donnée. Ainsi, le langage plutôt familier et oral de Retta et Gertrude tranche avec celui, plus soutenu, de dame Annie. J’ai aimé ce style qui donne beaucoup d’authenticité. À chaque prise de parole, j’entendais Gertrude, Retta ou Annie. Nous savons ainsi ce qu’elles pensent et ce qu’elles ressentent.

Le lecteur suit le destin croisé de ces trois femmes qui, malgré les coups, la misère, les trahisons et les terribles secrets, se tiennent droites, le poing levé et la tête haute. Le talent de l’auteure réside dans la construction de ses personnages. Ils sont si bien aboutis psychologiquement parlant, que l’on ne peut qu’avoir la sensation de vivre leurs mésaventures en même temps que les héroïnes !

« Le chant de nos filles » a une puissance évocatrice incroyable, surtout pour un premier roman. À travers de petites touches, Deb Spera recrée le Sud des USA, une société au modèle économique moribond, les immenses plantations dédiées à une unique culture, qui s’accroche avec nostalgie à son passé grandiose d’avant la guerre de Sécession, refusant les progrès venus du Nord. Soixante ans après, tout continue à fonctionner comme si l’esclavage existait encore, comme si les femmes n’étaient toujours que quantité négligeable.

Mais ce roman choral n’a pas qu’un aspect historique, il est surtout axé autour de la solidarité féminine, qui coule de soi pour ces femmes empêtrées dans leurs problèmes. Une solidarité qui se moque des clivages raciaux et sociaux. Tout ce qui compte pour elles, c’est d’assurer un futur à leurs filles ou aux filles des autres. De magnifiques portraits de femmes émergent dans le roman, avec une résilience qui pourrait s’appliquer à n’importe quelle page de l’Histoire. Avec délicatesse, Deb Spera nous conte ces quelques semaines qui changeront Branchville à tout jamais. Avec cruauté aussi, une cruauté imposée par l’époque, que l’on se prend comme un uppercut dans le ventre. La tension monte au fil des chapitres, jusqu’à un final éblouissant d’amertume. Ce roman a gagné en intensité au fil des pages. Si j’ai eu du mal avec les personnages au début du roman, n’ayant aucune empathie pour eux, je me suis surpris à ne pas vouloir les quitter. Ces femmes vont faire corps face aux hommes et à l’indicible. Malgré leur différence d’âge, de couleurs, de milieux sociaux, Gertrude, Retta et Annie vont se rapprocher « grâce » à leurs failles et à leurs blessures. Toutes blessées, toutes meurtries, elles ont également toutes perdu un être cher. Unies dans l’adversité, ce trio va nous livrer un dénouement explosif.

Je conseille? Je suis passée par plusieurs types d’émotions durant cette lecture. L’indifférence, l’incompréhension, la colère, la tristesse se sont succédé au fil des pages. Ce roman est sombre, dur, à l’image de la vie de ces femmes. Aucune n’a été épargnée par la vie. Elles ont toutes perdu un être cher, ont été maltraitées physiquement ou moralement et pourtant elles s’en sont sorties. Ensemble, le chant de nos filles redonne la parole à ces femmes à qui l’on a demandé de se taire trop longtemps. Un premier roman révoltant et percutant.

Zo Toniaina

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