
Dans les années 1960, la culture instaurée dans la Grande île est une fusion entre la tradition et le “moderne”, héritée de la colonisation et considérée comme « la voie vers le progrès ». Les deux, par souci de préserver l’authenticité et francophilie, entrent cependant en contradiction, en particulier en ce qui concerne la mode des jeunes. En effet, les musiques occidentales notamment le yé yé qui a vu le jour en France comme contrecoup de la culture établie.
À cette époque, la francophilie du régime de Tsiranana est une référence. L’hexagone des années soixante est un modèle dans bien des domaines et son prestige dans le monde est grand. Cependant, en dépit de cette occidentalisation affichée, l’administration Tsiranana a provoqué la montée du nationalisme dans certaines régions. Et celui-ci est sensible dans le domaine culturel. Alors, le numéro Un malgache de l’époque fait la promotion du genre musical, disons, néo traditionaliste qualifié de vako-drazana avec les différents groupes malgaches aussi bien dans la capitale que dans les autres régions. Ce qui divertit les membres du parti au pouvoir lors de leurs réunions.
Le succès de ces groupes dans les milieux urbains et surtout paysans n’est pas à démontrer. L’opération transistor que le gouvernement lance dès 1961 contribue à amplifier cette popularité. Ne sont pas à exclure les arrière-pensées des tenants du régime en direction du monde paysan, son principal vivier lors des élections. Cette politique culturelle nationaliste est utilisée aussi pour promouvoir des valeurs traditionnelles conservatrices donc moralisatrices. De cette politique culturelle et de l’attitude du gouvernement à l’égard des jeunes, il faut donc retenir le moralisme conservateur. L’étranger, y compris le Français, est souvent perçu comme un danger. Les jeunes sont considérés comme inactifs, ils doivent rester sous l’autorité des parents incarnés par l’Etat avec à sa tête le patriarche (Tsiranana). La famille est une institution qu’il faut protéger. La majorité légale est de 21 ans tout comme en France. Telle fut alors la situation des jeunes dans la société malgache en dépit de l’augmentation de leur proportion dans l’ensemble de la population. Le conflit de génération va devenir de plus en plus important. Le décalage entre les générations s’élargit, créant un nombre d’occasions de frottement, d’incompréhension et de heurts entre jeunes et adultes.
Recueillis par Iss Heridiny