
Jamais le rock n’a sonné aussi malgache qu’avec Kanna Jihe. Bien de groupes de rock locaux ont tenté de combiner le rock avec des rythmes malgaches, mais les résultats laissaient toujours un peu perplexe. Peut-être parce qu’on voulait forcer une formule qui n’était pas forcément compatible. À l’écoute de “Sefo”, le premier single de ce groupe mélangeant “Beko” à des riffs hard-rock, force est de constater que le son qui en ressort est parfaitement cohérent. Ce qui n’est pas étonnant lorsqu’on sait que le hard rock vient du blues et que le blues lui-même est une musique d’incantation plaintive, tenant ses origines du continent africain. Le “Beko”, manière traditionnelle de chanter des “Antandroy”, et le rock sont donc liés quelque part dans la forme et dans le fond.
Kanna Jihe. Le nom de cette formation vient des sous genres musicaux tirés du “Beko”. Le “Kanna” est le mot employé pour désigner le rythme utilisé dans les villages d’Amboroneoky, et “Jihe” désigne le chant de rue dans la culture “Anrandroy”. Les cinq membres du groupe étant des adeptes de rock, l’idée de fusionner les genres est venue presque naturellement. L’objectif étant de conserver et de promouvoir le style musical traditionnel en la fusionnant avec des genres plus populaires. Pour la petite histoire, le groupe s’est formé en 2017 quand Rado (guitariste) et Lôlô (chanteur) ont commencé à travailler sur le titre “Sefo”. Sans ambition professionnelle au départ, le résultat inattendu de cette première maquette a poussé les trois autres musiciens (Ragé, Dourax, et Beback) à rejoindre l’aventure et à envisager la scène. Ce qui a été fait lorsque Mampiray a décidé de manager Kanna Jihe.
Un EP est prévu pour bientôt. Cette semaine, Kanna Jihe part en résidence artistique à Antsirabe dans le cadre de la préparation d’un album EP. Après quelques jours de travail intense, le groupe assurera à l’Alliance Française d’Antsirabe un concert de restitution de la résidence, le vendredi 26 février 2021 à partir de 20h. Tout ceci se fera sous l’oreille bienveillante du sixième membre du groupe qui ambitionne de rendre plus professionnelle la manière de faire de la musique à Madagascar. Ce qui est louable quand on sait que les rares productions musicales effectuées dans les règles de l’art sont ici, assurées par des structures étrangères. En attendant, le public peut déjà se préparer à accueillir cet objet musical non identifié signé par Lôlô et sa bande [non pas le Lôlô sy ny tariny, mais Kanna Jihe].
Anja RANDRIAMAHEFA