
Les réformes s’imposent plus que jamais pour que la grande majorité de la population puisse enfin bénéficier d’une électricité suffisante
Injustice. L’Etat a énormément dépensé pour subventionner la Jirama. Et pourtant les milliards engloutis n’ont pas servi à la majorité de la population mais à la minorité de consommateurs résidentiels et aux riches fournisseurs d’électricité.
Coupables
Depuis 2009, la Jirama a accumulé un déficit opérationnel d’environ trois mille sept cent milliards d’Ariary, soit un milliard de dollars. Partagés dans un blog par Idah Z.Pswarayi-Riddihough, directrice des Opérations de la Banque Mondiale pour les Comores, Madagascar, Maurice et le Mozambique, ces chiffres démontrent à quel point les pouvoirs qui se sont succédé sont tous coupables d’avoir laissé pourrir la situation dans un secteur qui s’avère stratégique. « C’est la somme du déficit créé par le maintien d’une politique tarifaire inefficace et non ciblée du secteur électrique malgache pendant plus de dix ans », précise la Directrice des opérations de la Banque Mondiale qui se demande « combien de nouveaux clients auraient pu être connectés au réseau pour cette somme ! » Et l’injustice réside, justement dans le fait que cette somme n’a pas profité aux 85% de Malgaches qui n’ont pas accès à l’électricité, mais principalement à deux groupes. Il s’agit, en l’occurrence des « 10% des grands consommateurs résidentiels les plus riches des clients de Jirama (équivalent à 1% de la population), grâce à des tarifs résidentiels subventionnés qui revendent l’électricité 40% moins chère que Jirama l’achète à ses fournisseurs ». Une injustice d’autant plus inadmissible quand on sait que l’autre groupe qui profite de ce système est constitué par une entité déjà extrêmement riche. Il s’agit, en l’occurrence des « fournisseurs d’électricité de la Jirama, à travers les marges excessives d’un grand nombre de contrats d’achat d’électricité, dont la plupart ont été attribués illégalement en gré-à-gré au cours de la période 2009-2017 ». Certains de ces contrats ont été renégociés par la nouvelle direction de la Jirama pour revoir les marges et les clauses abusives des contrats, mais il reste encore beaucoup à faire.
Rectifier le tir
Bref, des réformes s’imposent, non seulement pour rétablir la justice, mais également pour permettre au pays de retrouver une gestion plus rationnelle du secteur de l’énergie. « Les réformes, quelles qu’elles soient, ne sont jamais faciles, car il y a toujours ceux qui en profitent et ceux qui doivent s’adapter. Cependant, les perdants de la réforme ne devraient pas être les plus pauvres, les plus vulnérables ni les plus nécessiteux. Et les réformes soutenues par la Banque visent expressément à garantir que les plus pauvres bénéficient de ses retombées, paient une juste part et puissent jouir d’un accès qui leur permettra de participer de manière productive à l’économie. Cela ne peut se réaliser qu’en révisant les barèmes payés par ceux qui en bénéficient aujourd’hui ». Il s’agit, en somme, pour les autorités d’oser rectifier le tir en termes de tarifs pour permettre à un plus grand nombre d’accéder à l’électricité. « Que faut-il faire pour donner accès à l’électricité à tout le monde, ou à presque tout le monde, à Madagascar ? Actuellement, seulement 15% de la population a accès à l’électricité fournie par la Jirama. Il faudra de l’argent, de nouveaux investissements dans le secteur, ainsi que des réformes d’une grande portée pour surmonter les anciennes mauvaises dynamiques qui continuent d’empêcher les résultats que le peuple malgache mérite ».
Electricité suffisante
Pour la directrice des Opérations de la Banque Mondiale, les ajustements sont plus que nécessaires. « Il est important de bien comprendre et de ne pas déformer notre objectif de changer cette dynamique. Il ne s’agit pas de retirer le pouvoir à certains et de le donner à d’autres. Notre objectif est d’assurer une électricité suffisante pour tous en veillant à ce que les tarifs tiennent compte de (i) la capacité de payer des clients, en particulier des plus vulnérables; (ii) permettent à la Jirama d’entrer dans une trajectoire lui permettant de retrouver son équilibre financier dans un délai de 3 à 4 ans. Ceci permettra à la Jirama non seulement de payer ses fournisseurs sans le soutien du gouvernement, mais aussi de pouvoir à terme investir dans l’amélioration de la qualité et de la fiabilité de ses services et de connecter des centaines de milliers de ménages vulnérables qui restent encore exclus de l’accès aux réseaux ». Il reste à savoir si le régime osera franchir le pas vers ces réformes qui seront dures à avaler sur le court terme surtout pour les citadins. Mais qui, à moyen et long terme permettront à la majorité d’y voir…plus clair.
R.Edmond.