
Le destin a fait en sorte que l’Amiral passe l’arme à gauche le 28 mars pour être inhumé le lendemain 29 mars, date historique dans la lutte de libération nationale.
Le hasard du calendrier est à l’image du nationalisme et du patriotisme de celui pour qui « la souveraineté nationale n’est pas négociable ». Une phrase qu’il avait prononcée lors de la révision des accords de coopération franco-malgaches en juin 1973 à Paris, du temps où il était ministre des Affaires Etrangères et fraîchement promu au grade de capitaine de frégate. Un autre signe du destin pour l’ancien élève de l’Ecole navale de Brest qui était destiné comme les autres « Bordaches » de l’établissement militaire, à occuper des postes de commandement à bord de bâtiments de la marine nationale.
Taxi-brousse. En plus du commandement des patrouilleurs « Mailaka » et « Tanamasoandro », le jeune officier de marine avait pris par la suite, la barre du navire « Madagascar » et virer à bâbord avec le « Boky mena » comme livre de bord. Après avoir navigué dans les eaux du socialisme et du progressisme qui avaient le vent en poupe dans les années 70, il était obligé de virer de 180° à tribord pour se mettre au PAS (Programme d’Ajustement Structurel) vers la fin des années 80. Et ce, pour que le navire devenu « taxi-brousse » puisse sortir du « tunnel », deux images allégoriques qui ont marqué les deux premiers septennats du chef suprême des « mpitolona manao fanamiana ».
Sacerdoce. Ancien élève du collège Saint-Michel à Amparibe, Didier Ratsiraka ne profita pas seulement de la réputation des Jésuites d’être des intellectuels mais il fut aussi marqué par leur mode de vie. « Je mène une vie quasi-monacale », devait-il …confesser, dans une interview exclusive accordée à notre journal à l’époque. Hier, sa famille a choisi la chanson « Wonderful life » à la fin de la cérémonie d’ultime hommage à celui dont la vie n’avait rien de bling-bling ni de « wera wera ». Le mode de vie de l’Amiral « 5 étoiles » était sans rapport avec le standing d’un hôtel de même catégorie. Il considérait sa mission à la tête de l’Etat comme « un sacerdoce ». Même lorsqu’il n’était plus aux commandes, l’Amiral continuait de faire sienne la devise « Ho an’ny Tanindrazana » car pour lui, un « militaire n’est jamais à la retraite pour la Patrie».
Moins fortuné. En tout cas, pour ses partisans, il restait le « Deba » qui était en réalité le « Rola ». Rien à voir avec le « sefo deba » ou chef de bande qu’on voyait dans les films des années 70 à 90 avec des barons de la drogue ou des parrains de la mafia. Il n’était pas non plus un « cow boy », encore moins un chasseur de primes quoiqu’il lui arrive souvent de porter un Stetson. De tous les présidents qui se sont succédé dans la Grande Ile, il était le plus longtemps resté au pouvoir mais il est le moins fortuné. C’est à l’image de la Mercedes Berline vieux modèle sur cale dans l’arrière-cour de sa résidence. Entre deux poteaux d’étendoir à linge.
Mangarivotra. Durant son exil en France, il vivait dans un simple appartement dans la Villa de Madrid qui est en fait le nom d’une voie privée dans cette commune de Neuilly-sur-Seine. De retour à Madagascar, il n’avait pas de pied-à-terre. Balloté entre la propriété d’un ami à Soanierana et une maison qui ne lui appartenait pas non plus à Ambohitrarahaba, l’Amiral avait fini par jeter l’ancre du côté de Faravohitra, dans un domaine faisant partie du patrimoine de l’Etat. Plus précisément à Mangarivotra, un nom prémonitoire pour cet « Olomanga » de la Nation passionné de belote qui a proposé la carte du vaccin contre le Covid-19.
R.O