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lundi, juin 9, 2025
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Randriamamonjy Ralinivo Itamara Mazavasoa : « Vulgariser l’histoire et la rendre plus fun, telle est ma mission »

Randriamamonjy Ralinivo Itamara Mazavasoa, 21 ans, est un étudiant en histoire à la mention histoire de l’université d’Antananarivo. Administrateur de la page Voyage, Histoire et Cultures, une page dédiée à la vulgarisation de l’histoire et à sa valorisation en tant que discipline scientifique pour les jeunes et personnes de tout âge ; il est également le fondateur du groupe VIRO qui est un collectif de jeunes étudiants en histoire œuvrant pour la valorisation des vestiges oubliés de nos villes.  L’équipe de Midi Madagasikara a eu l’occasion de l’interviewer.

Midi Madagasikara : On vous retrouve souvent sur les réseaux sociaux, en particulier sur Facebook. Vous apprenez l’histoire aux jeunes. Qu’est-ce qui vous a poussé à accomplir cette mission?

Randriamamonjy Ralinivo Itamara Mazavasoa : Oui, je suis souvent sur les réseaux sociaux car comme la majorité des jeunes, j’aime passer mon temps à “scroller” mon fil d’actualité, à chercher de bons « mêmes », de nouveaux buzz etc… Mais je me sers aussi de la plateforme afin de vulgariser l’histoire et de la rendre plus “fun” à travers des vidéos ou des publications adaptées et orientées pour les jeunes. Ce qui m’a poussé dans cette lancée, c’était d’abord les études que j’ai faites et que je poursuis encore au département d’histoire de l’université d’Antananarivo, mais aussi et surtout les lacunes que j’ai constaté chez les jeunes et chez les personnes de tous âges dans leur perception de l’histoire en général et de l’histoire de Madagascar. Cette perception est parfois erronée par des préjugés ou pire encore, des idées reçues datant de l’époque coloniale .

MM : Nombreux sont ceux qui pensent que les historiens malgaches ne font pas correctement leur travail car les citoyens ne connaissent pas leur histoire, êtes-vous de cet avis?

Randriamamonjy Ralinivo Itamara Mazavasoa : Je ne suis pas de cet avis. Il y a des travaux de recherches sur de nombreuses thématiques qui sont déjà publiées dans les revues scientifiques à Madagascar et à l’étranger. Le problème viendrait plutôt du manque d’accessibilité à ces travaux (même si elle est grandement facilitée grâce à nos institutions documentaires nationales ou universitaires pour les étudiants), d’où cette initiative de ma part en tant que jeune chercheur de me lancer dans une entreprise sur un terrain glissant, celui de la vulgarisation. Je pense que la méconnaissance de l’histoire est aussi due au fait que le programme scolaire reste encore (du moins pour plusieurs générations) calqué sur d’anciens modèles voire même des modèles coloniaux qui ne tiennent pas en compte les dernières mises à jour scientifiques. Le manque de manuels scolaires sur le sujet est également un handicap à surmonter si l’on veut faire connaître l’histoire aux citoyens depuis l’école primaire.

 

MM : L’histoire est une discipline dangereuse. Elle est souvent manipulée par les politiciens, même depuis l’époque coloniale. Est- ce que l’histoire de Madagascar tient debout ?

Randriamamonjy Ralinivo Itamara Mazavasoa : Effectivement, c’est un terrain glissant, très dangereux et sur lequel différents milieux influents jouent à leur guise, avec notamment la manipulation des sentiments. Mais je pense que sur le plan scientifique, on a des éminents spécialistes des sociétés du sud-ouest de l’océan indien et d’autres régions du monde, d’autres domaines de recherches et d’autres horizons multidisciplinaires. Pour moi, c’est suffisant pour dire que l’histoire est une discipline scientifique affirmée et bien debout à Madagascar. Après, il y a le devoir de mémoire qui est autre chose et qui est souvent assimilée à cette discipline. Il est d’ailleurs souvent manipulable à la guise des politiciens et autres personnalités. Par exemple, la dimension nationaliste qui a été donnée à la lutte mise en valeur par l’ancien président feu Didier Ratsiraka s’avère ne pas être une réalité par rapport à l’état des recherches historiques actuelles. Mais devinez ce que les citoyens retiennent de 1947…

MM: Dans trente jours, nous allons célébrer la fête de l’indépendance. Vous qui êtes historien, comment trouvez-vous la manière dont les intendants du pays et les citoyens célèbrent le 26 juin. Le nationalisme se fait-il sentir ou est-ce devenu une routine?

Randriamamonjy Ralinivo Itamara Mazavasoa : Le nationalisme, je voudrais insister sur ce mot parce-qu’il y a cette connotation de « fitiavan-tanindrazana » dedans, comme le disait un historien, chercheur au département d’histoire : C’est où le « tanindrazana » ? Est-ce que le Malgache de Midongy du Sud a le sentiment d’appartenance à une seule nation? De même pour celui de Tananarive ou d’Antsiranana ? Ou ne serait-ce qu’occasionnellement que cela arrive, ce sentiment d’appartenance à la nation ? Comme avec les Barea ? Oui, la fête de l’indépendance est célébrée dans tout Madagascar, mais une telle fête est-elle synonyme de « nationalisme » à une période de l’histoire où l’on se dispute encore pour savoir quelle est la date exacte/appropriée pour effectuer le nouvel an « malgache » ? Je pense vraiment qu’il y a matière à réfléchir sur la question de nationalisme.

MM: Est-ce que vous pensez que Madagascar est une nation avec un grand N ?
Randriamamonjy Ralinivo Itamara Mazavasoa :
L’histoire ne nous apprend pas seulement les événements du passé comme on le ferait pour juste raconter tel ou tel évènement. L’histoire nous permet aussi d’avoir, en tant que discipline scientifique, un esprit d’analyse avec une vision moins biaisée des choses. La Nation comme vous le dites est un concept assez vaste et flou en même temps et l’on a du mal à cerner vraiment ce qu’être nationaliste veut dire. Je pense qu’il y a encore des étapes importantes à franchir pour la construction de la Nation et l’histoire joue un rôle axial dans ce processus. Quand on acceptera nos défauts et nos faiblesses par rapport à telle ou telle situation et qu’on laissera les préjugés sur les autres groupes, là je mettrai ma main au feu que Madagascar deviendra une « Nation » à part entière. Cela peut sembler naïf mais à y penser, ce sont les jeunes actuels qui sont, je pense, le moteur du changement, un changement de mentalité d’abord.

Propos recueillis par Iss Heridiny

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