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mardi, mai 13, 2025
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Souvenirs de Gaby… et de Lucile

C’était lors de la rentrée scolaire de 1971-1972 que le couple Rabearimanana arriva pour enseigner au Lycée Philibert Tsiranana de Majunga. Frais émoulus diplômés des universités françaises, les deux jeunes (à peine plus âgés que leurs disciples) faisaient tâche au milieu des coopérants français  encore nombreux dans le corps enseignant à cette époque. Très vite, Gaby et Lucile, comme les élèves aimaient les appeler, furent adoptés comme étant des leurs d’abord, puis surtout comme faiseurs d’opinion. Rares étaient les moments où ils pouvaient être seuls pendant les intercours comme pendant les heures censées être libres. De quoi on discutait ?  De la vie de là-bas et de tout, on savait qu’à part les Claude François, les Johnny Halliday et autres, il y avait des Georges Brassens, des Jean Ferrat dont les paroles voulaient dire autres choses que des choses mielleuses, des sujets, en fait, qui étaient le prolongement de leurs cours. Peut-être encore imprégnés des idées de mai 68 en France, on buvait leurs pensées libertaires. Ils ne savaient peut-être pas qu’ils nous modelaient pour préparer notre mai 72 à nous. Au lycée, l’histoire et la géographie composaient une même matière, l’histo-géo,  fusionnel comme l’était leur couple, quand l’un nous parlait de l’insurrection de 1947 à Madagascar, l’autre nous apprenait la contribution du peuple malgache à l’effort (économique) de guerre lors du deuxième grand conflit mondial. On disséquait l’économie de traite de René Gendarme comme on épluchait l’histoire « officielle » d’Hubert Deschamps – Histoire de Madagascar- de « La Contribution de l’Histoire de la Nation malgache » de Pierre Boiteau.  En résumé, le néo-colonialisme nous était apparu comme une révélation. Mais, surtout, notre culture politique; chose à laquelle nous n’étions pas initiés ; a acquis de nouvelles bases. On savait désormais que l’échiquier politique distinguait la gauche de la droite : une réformiste voire révolutionnaire et l’autre gardienne de l’ordre socio-économique traditionnelle. La génération qu’ils ont modelée leur doit beaucoup et qu’ils retrouvent ici toute sa gratitude parce qu’ils ont contribué à l’édifice de toute une génération ayant eu de nouvelles visions de leur pays.

Bien entendu comme dans l’ordre des choses, Gaby s’est investi dans l’activisme politique au sein du parti Monima, naturellement, avec comme dada l’analyse et le développement de la « paysannerie » malgache, mais il avait fallu combiner, composer avec les intrigues du parti et celles de la gouvernance nationale. De la pratique dirait un certain Lénine. Gaby a été catapulté à un poste de Commissaire du gouvernement de je ne sais pas exactement mais toujours est-il, qu’à ma connaissance, il n’en a pas fait grand étalage des résultats. Un jour, lors d’un cours ou un colloque avec le grand Yves Lacoste, à Montpellier, je lui ai reproché les mauvaises performances économiques obtenues par de la deuxième République, soutenue un moment par son parti. Le ton dur que j’ai employé l’avait sûrement désarçonné mais au fond de lui, la surprise a certainement fait place à la fierté de m’avoir formé. Un immense remerciement, Grand ! Pour terminer, j’ai volontairement voulu associer Gaby et Lucile, car pour nous, qui sommes issus de cette génération, ils étaient fusionnels comme on dit. Mes condoléances sincères adressées à Madame Lucile Rabearimanana, qu’elle trouve ici la gratitude de toute une génération à laquelle j’appartiens. À votre couple dont la sagesse et la compétence n’ont d’égale que votre humilité. Une dernière anecdote pour terminer, alors que j’étais à la tête d’un département d’une université où elle officiait, elle m’avait dit « Donc maintenant, tu es mon patron chenapan ! » Chapeau à vous chers maîtres.

Votre dévoué Mickey Ranarivao

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