
Les années soixante sont une période de changements décisifs à Madagascar. Les transformations touchent de nombreux domaines : politique, économique, social ainsi que culturel. L’indépendance voit la naissance de la Première République le 14 octobre 1958. Et quel que soit peut-être ce que l’on pense de cette indépendance, la fin de la période coloniale, c’est-à-dire de la domination française directe, est vue durant cette décennie comme le prélude à la renaissance culturelle, expression d’un épanouissement plus général de nombreux domaines dans la vie d’une nation enfin reconnue souveraine sur la scène internationale. Madagascar est devenu membre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) le 20 septembre 1960. Présentes à Madagascar dès les premières années de l’indépendance, les Agences du Système des Nations Unies figurent parmi les principaux partenaires de la Grande Île dans ses efforts vers le développement.
Depuis l’indépendance, l’économie indépendante est en fait extravertie au profit de la France. Mais comme le Trésor public malgache est intégré à celui de la France, il en résulte une stabilité qui est donc l’effet de la dépendance. Les importations sont supérieures aux exportations, ce qui n’est pas du tout un très bon signe. Les économistes qualifient ce caractère d’extraversion. Les chiffres du commerce extérieur pour les 11 premiers mois de l’année 1960 ne marquent qu’un léger progrès par rapport à l’année précédente. L’importation est de 387.356 tonnes représentant 25 milliards francs CFA et l’exportation est de 209.377 tonnes représentant 17 milliards francs CFA. Le principal partenaire économique de Madagascar est la France. La francophilie culturelle est donc doublée d’une dépendance économique. Au lendemain de l’indépendance, le nouveau régime a bien tenté d’instaurer une véritable indépendance économique en lançant une politique agricole ambitieuse visant à agrandir la superficie rizicole et sa productivité. La combinaison de ces efforts avec la dépendance accroît l’impression de stabilité économique. Dans un tel cadre, la France ne peut être qu’un modèle sur de nombreux plans. Elle connaît d’ailleurs une forte croissance économique. Tananarive, comme une ville provinciale française, apparaît alors comme un relais de modèles économique, culturel et politique français, en particulier pour une classe moyenne malgache en formation. Pour la plupart des personnes que nous avons interviewées, la période de la Première République est décrite comme celle de l’abondance sur le plan économique. La période des privations dues à la Guerre durant laquelle Madagascar fut sous blocus, de même que les angoisses créées par la rébellion de 1947, semblent loin. Le riz se trouve en abondance et les troubles sont oubliés. En ville, le kilo de riz coûte environ 30 francs et 15 francs en brousse. Le lait en poudre coûtait 600 francs la boîte de 500g et le lait de marque Paillot, 55 francs le litre.
La Première République était la belle époque comme disaient les anciens. Et si c’était la belle époque, pourquoi avoir chassé Tsiranana du pouvoir ?
Recueillis par Iss Heridiny /Maminirina Rado