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dimanche, juin 8, 2025
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Ruée vers le « béryl bleu » : Tanambe Amparafaravola, pôle d’attraction des petits exploitants miniers

La découverte de supposées pierres précieuses déclenche une véritable fièvre dans le district d’Amparafaravola, dans la commune rurale de Tanambe. Des milliers de personnes affluent vers le fokontany Andilana Nord; des étrangers comme des Africains, des Sri-lankais sont aperçus sur les lieux, des natifs d’autres régions et même des prostituées. Comme dans toutes les exploitations minières artisanales, l’effervescence a de nouveau atteint le district d’Amparafaravola.

On se croirait dans un film sur la célèbre ruée vers l’or, au milieu du XIXe siècle en Californie. Des milliers de personnes se massent et arpentent désormais le flanc des collines, prenant beaucoup de risques, pioches et pelles à la main, dans le village d’Andilana Nord. Les premières découvertes sur des fouilles fructueuses engendrent ainsi naturellement une ruée spectaculaire. On parle de gisement de béryl bleu. L’information s’est propagée comme une traînée de poudre. Quelques jours après la nouvelle, le village s’est retrouvé envahi par des gens espérant, à tout prix, faire fortune. La commune de Tanambe est devenue, au bout de quelques semaines, un lieu d’espoir, d’illusion, de travail, de transaction, d’échange de biens et services, et surtout de tourmente pour ces gens qui viennent de toutes les grandes villes du pays. Arrivée en ville, la domination engendrée par l’exploitation minière est immédiatement évidente. Des commerces font des petits, la route principale à Andilana Nord est très animée, avec beaucoup de petites échoppes vendant de l’électronique bon marché et d’autres bricoles, des épiceries et de nombreux petits bars-restaurants, des boutiques de pierres précieuses.

800 trous interconnectés. Les autorités publiques sont débordées par la nouvelle ruée vers les carrières de pierres précieuses et la région est dans la tourmente. L’activité sur cette mine informelle a été suspendue par les autorités après des échauffourées entre des villageois et des mineurs venus du reste du pays qui viennent tenter leur chance. En effet, des éléments des forces de l’ordre montent la garde devant le gisement. Malgré cette décision, les exploitants sont restés sur place et attendent l’annonce du gouvernement sur une éventuelle réouverture de la carrière. Par contre, des groupes d’individus tirent profit de la carrière en continuant d’exploiter illégalement le gisement. Les exploitations s’effectuent dans l’informel. À noter qu’il y a 800 trous interconnectés dans cette colline. Des miniers possédant un « trou » de 50 mètres de profondeur ont dépensé 6 millions d’Ariary pour le creuser. « La quête de pierre prime avant tout, la notion d’hygiène n’y a aucun sens, avec tous les risques que cela suppose surtout en cette période de propagation du coronavirus, aucune mesure barrière n’est respectée… », témoigne un minier qui a passé quelques semaines à Andilana Nord. « On a déjà tout ici, des commerces, des restaurants et hôtels, même si le confort est sommaire, ça ne nous empêche pas de rester pour trouver des pierres précieuses… », raconte l’épouse d’un minier. Mais la ruée vers le béryl bleu dans la région Alaotra Mangoro en a fait un gigantesque gisement de pierres précieuses à ciel ouvert au pays, avec une ville anarchique d’environ 1 112 500 habitants pour une densité moyenne de 33,66 habitants/km².

Phénomènes migratoires. Actuellement grenier à riz de Madagascar, cette découverte présente un risque sur le plan social, environnemental, culturel et économique des lieux. Les importants phénomènes migratoires observés sont des facteurs de changement, porteurs de nouvelles pratiques, et influencent le mode de vie, le savoir-vivre de la région, plus précisément dans la commune de Tanambe. Les conséquences sont donc non négligeables, sur tous les plans. Cela a perturbé l’économie locale qui observe une montée des prix des volailles et des produits de première nécessité (PPN). Le crime, l’ivrognerie, la prostitution et le travail des enfants augmentent en conséquence. Les jeunes sont fragilisés par la fréquentation d’étrangers, et la tendance des jeunes filles à se prostituer avec les « vazaha » gagne du terrain. « On nous paye 1 million d’ariary pour rester en concubinage avec un étranger pendant son séjour ici… », témoigne une jeune fille de Tanambe. « Après l’arrivée de ces individus sur les lieux, une importante hausse du nombre des personnes atteintes de maladies sexuellement transmissibles a été constatée », déclare un médecin traitant dans la localité. En effet, trouver un moyen de gagner sa vie et de nourrir sa famille est clairement l’enjeu premier pour la plupart de ces gens, bien que l’exploitation minière soit à l’origine de l’accroissement de nombreux fléaux de société. Seul un allègement global de la pauvreté peut entraîner des changements importants. Théoriquement, l’extraction des pierres précieuses est régie par le Code minier malgache, qui exige la possession d’un permis d’exploitation et le versement de taxes dans les caisses des communes. Mais dans la pratique, l’exploitation largement sauvage ne rapporte pas grand chose à l’État.

Carrière d’Andilana, sujet à discorde

Des avis divergent au sein des locaux de la ville de Tanambe. Mais les habitants essayaient de s’adapter à cette nouvelle ruée. Certains disent que les mines apportent du positif, même si les risques sont élevés et que l’impact sur l’environnement et le social est grand. Ils ne pensent pas vraiment avoir le choix. Des témoignages recueillis sur place nous montrent ces points de vue.

 

Rabodo, 43 ans, est négociante et revendeuse de pierres précieuses depuis l’année 2005. Avant cela, elle était femme au foyer. Elle dit ne plus pouvoir effectuer une autre activité parce qu’elle est trop vieille maintenant. Elle est allée à la mine d’Andilana pour investir de nouveau, après quelques années d’inactivité, après la mine à Didy en 2005. En outre, elle détient plus de fonds par rapport à ce qu’elle possédait auparavant. Elle attendait donc le retour du marché local. « …Dans les mines, soit le mineur agit seul soit il est sponsorisé par des personnes plus riches. Tout le monde essaie de vendre ce qu’il a trouvé aux revendeurs. Pour les grosses pierres très coûteuses, la plupart des revendeurs sont des étrangers, venant principalement du Sri Lanka, de Thaïlande ou autres. Des revendeurs malgaches sont sollicités parfois pour les pierres de taille moins impressionnante, ou travaillent en tant qu’intermédiaires de commerce », explique-t-elle.

 

Mme Line, âgée d’une cinquantaine d’années, possède une gargote-bar près du gisement. Elle est venue à Andilana pour accompagner son gendre et sa fille. Elle raconte que « au pic de l’activité minière, les gargotes fonctionnent bien… ». Elle est venue en famille pour travailler dans la mine. En attendant de trouver de grosses pierres, la famille a ouvert une échoppe. Elle loue également une maison à usage d’habitation aux locaux. Sa famille et elle ont l’habitude de vivre de l’exploitation minière. Elle précise que c’est grâce aux mines qu’elle a pu acheter une voiture et même construire une maison dans sa ville d’origine à Ambatolampy Antsirabe. « La mine est une histoire de chance… », a-t-elle ajouté en se remémorant la belle époque à laquelle elle avait fait fortune.

 

Manjakatsirofy, 42 ans, est devenu mineur juste après l’arrêt de son travail dû à la Covid-19. Il n’était pas un local, mais il a déménagé à Ambatondrazaka avec ses parents quand il était encore enfant. Actuellement, père de famille, il est maçon mais le manque de travail l’a résolu à devenir mineur. Il est allé à la nouvelle mine d’Andilana et a déclaré que les conditions étaient trop difficiles et dangereuses pour lui parce qu’il avait des enfants. Il n’a pas encore trouvé de grosses pierres. Avant la suspension de l’activité, comme les autres, il allait de temps en temps à la carrière avec son fils aîné pour trouver de quoi nourrir sa famille. L’aîné des trois enfants de Manjakatsirofy, un garçon d’environ 13 ans, est également au travail et aide son père à dégager de la terre. Il n’était pas en train de tirer profit d’un jour où il n’y avait pas d’école, mais était complètement déscolarisé.

 

Vonjy, 23 ans, travaillait dans les rizières mais a commencé à travailler dans les mines parce qu’il y avait de moins en moins de travail dans les rizières et que ce n’était qu’une activité saisonnière. Il a dit qu’il espérait gagner plus à la mine pour surmonter sa pauvreté. « C’était un moyen rapide de faire une belle somme d’argent », déclare Vonjy, originaire d’Antanifotsy Antsirabe, le jeune homme croit en sa chance et est prêt à tout pour changer de vie. Il s’y est alors installé et il y reste, en attendant que les pierres précieuses apparaissent d’une manière ou d’une autre. « Je suis venu exploiter du béryl car c’est difficile de trouver du travail dans un autre domaine« , explique-t-il.

 

Harimanitra, une étudiante à l’université d’Antananarivo mais en vacances dans la localité, déplore les impacts de l’exploitation dans sa ville d’origine. Elle a déploré l’illégalité et les effets secondaires des ruées vers les mines tels que la prostitution, l’ivrognerie, le travail des enfants et la destruction de l’environnement. L’hygiène épouvantable résultant de l’arrivée de milliers de personnes fait partie des principales causes des maladies affectant la population locale.

 

Un Sri-lankais, acheteur de pierres précieuses arrivé récemment sur les lieux pense que l’exploitation minière est un avantage pour la région. « L’exploitation minière ne pouvait être que positive parce qu’elle apporte de l’argent et du développement dans les villes, rendant les gens heureux et leur donnant les moyens de diversifier leurs activités. », a-t-il déclaré.

Réalisé par Yves Samoelijaona

PHOTOGRAPHIE SUR LES LIEUX

 

La ville d’Andilana Nord où les locaux et les immigrés font la course.
Les exploitants pratiquent la méthode typique d’extraction minière informelle. Les surfaces creusées finissent par devenir des cratères, puis des tunnels, parfois très profonds, atteignant même l’aquifère.
Un minier sur sa bicyclette en direction de la mine.
« Tomobilin-tsihanaka », un moyen de locomotion spécifique à la région Alaotra Mangoro. Pas de tarif fixe pour le « Tomobilin-tsihanaka », cela dépend du poids de la marchandise transportée par le passager. Moyen de locomotion collectif et surtout bon marché.
Un homme, conducteur d’un taxi-bicyclette avec son client. Il se trouve que les ménagères sont les plus nombreuses à recourir au service de ce taxi-bicyclette. L’itinéraire peut s’allonger dans un rayon de 23 km autour de la ville d’Ambatondrazaka. Le tarif varie entre 1 500 ar et 6 000 ar.
Un panneau de signalisation fabriqué en bois placé dans une route secondaire vers Ambatondrazaka. Le panneau est opérationnel depuis la réhabilitation de la RN 44.
Une partie de la RN44, réhabilitée. Promesse enfin tenue par les dirigeants.
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