
L’économiste François-Levy Dawidson a réagi après le projet d’attentat contre des personnalités politiques et les bruits sur un éventuel remaniement. Interview.
Midi Madagasikara : Le projet d’attentat contre le président de la République a attiré l’attention des observateurs ces derniers temps. Qu’en pensez-vous ?
François-Levy Dawidson : Je condamne fermement ce projet barbare. Et j’exhorte tout un chacun à observer le calme jusqu’au dénouement de cette affaire.
M-M : Récemment, le gouvernement a annoncé des nouveaux accords de financements. A votre avis, est-ce un bon signe pour le pays?
F-L-D : Ce n’est pas la première fois que le pays bénéficie des aides. En 2005-2006, on a eu des montants conséquents, par exemple. Pourtant, ces financements n’ont pas impacté directement le pouvoir d’achat des Malgaches. Ce qui amène à dire que les sommes d’argent qu’on a eu ne garantissent point que les choses vont réellement changer. Toutefois, les efforts déployés par le président de la République ainsi que les chantiers qu’il a déjà démarrés témoignent que le pays est en train de décoller.
M-M : Quel modèle de financement avancerez-vous alors ?
F-L-D : Étonnamment, nous sommes toujours fixés dans l’utilisation des instruments de politique budgétaire et monétaire traditionnels. Or, il existe actuellement plusieurs outils modernes qui peuvent servir au développement du pays. Il faut mettre en place un marché financier. Puis, former dans l’ingénierie financière et les nouveaux instruments de financement économique. La finance a besoin de changements fondamentaux et de restructurations. La vélocité de la monnaie est très basse alors que le taux de monnaie oisive est nettement supérieur. Nous devons voir de près l’utilisation de la cryptomonnaie ainsi que la digitalisation des devises et des échanges.
M-M : Beaucoup de bruits circulent actuellement sur un éventuel remaniement. Qu’en pensez-vous ?
F-L-D : Le changement des responsables peut s’avérer stérile. Il faut plutôt axer sur le profil, changer le système et le mode opératoire. Le cas de la Jirama, qui a fait beaucoup souffrir sa clientèle pendant des années, démontre à quel point la gouvernance durant des décennies a conduit la société à la ruine. Beaucoup de responsables y sont passés mais les résultats sont toujours les mêmes. On s’empresse de changer tout simplement et on minimise le bon profil. Je pense qu’il faudrait séparer la gestion de l’eau et de l’électricité et confier cette dernière à l’armée, pendant une année, pour conduire une réforme. C’est plutôt la discipline et la justice qui manquent énormément. Il faut que le problème soit clairement défini, la solution structurée et une nouvelle logique devrait être mise en place. Puis, à ce stade, si nécessaire, on peut remplacer un responsable incompétent.
M-M : La corruption ronge le pays depuis longtemps. Quelle solution avancerez-vous si on prend le cas particulier de la justice ?
F-L-D : Le Palais de Justice est devenu un palais de la corruption et de la dépravation. Nous appelons Cour de Justice le lieu qui a vocation d’assurer la justice dans la Nation, mais elle doit être appelée Palais de la Vérité. Sinon, il se peut qu’une personne honnête puisse être jugée coupable par un menteur car il lui manque la fourberie. Est-ce qu’il s’avère alors nécessaire de changer le juge car le tribunal est corrompu ? Non ! La corruption résulte du système. Nous le constatons dans les tribunaux en province où tout le monde se connaît, et emprisonner un ami ou une connaissance peut être difficile, voire dangereux. Ici donc, nous pouvons utiliser la technologie blockchain pour expérimenter le concours des juges à travers l’île dans les cas potentiellement difficiles. Les textes de loi doivent être numérisés pour qu’ils ne soient pas un obstacle au développement.
Recueillis par Rija R.